lundi 5 janvier 2015

EVOCATION D' ERNEST GAIDET DE PREFUMET !


Mauvais temps sur Préfumet

                                    Après avoir quitté la route des chapieux, contourné Bonneval les bains, au bout d’un bon kilomètre on pouvait apercevoir, la fumée qui s’échappait de la vieille cheminée d’Ernest Gaidet. En ce mois de janvier on pouvait encore monter : il y avait un sale temps sur la route des veys.
     *********                  Ernest n’était plus là, comme à l’accoutumée, dehors à ramasser du bois ou nettoyer quelques traversées de route pour laisser cette précieuse eau s’engouffrer dans le torrent. Son râteau non plus n’avait pas bougé de place depuis le jour de l’An, sa vieille casserole ne tapait plus contre le volet. L’ambiance était étrange, même son chien « titi » était absent.
                                   Dans sa pièce principale, la cuisinière en fonte ne donnait plus  une chaleur particulière, l’eau tentait de rompre le silence dans cette casserole bien cabossée qui ne se dandinait plus  prés du tisonnier.
                                   Ernest avait la passion de lire le livre « Les cent ans de Bourg » et reconnaissait sa vie d’ autrefois avec Herald son frère disparu en 1985.Il évoquait souvent  son mulet qui portait tantôt le bois, tantôt le foin souvent le fumier. Et puis Ernest avait pour habitude de sortir  de sa poche ce petit livre qui ne le quittait jamais :  L’encyclopédie Roret qui lui donnait le cubage du bois en fonction de la taille et de la circonférence de l’arbre ! »
                                   Ses yeux se tournaient souvent vers le Crêt et avec ses jumelles observait « ses chamois » qu'il comptait en permanence, tout en les suivant dans les rochers.
                                   Mais Ernest c’était aussi et surtout le grand lecteur de  la nature. Tous les jours, il observait son pluviomètre, mesurait la vitesse du vent, sondait la neige et notait les hauteurs cumulées : « Le temps, il l’observait en permanence, son registre journalier était garni de renseignements. Météo France se confortait avec les observations d’Ernest » nous confiera Guy Leroux du centre de météo à Bourg Saint Maurice.                                 
 L’ampoule de 40 watts qui se cachait derrière un abat jour écrasait cette pénombre, véritable contraste avec la lumière du temps et l’éclat du soleil qui réchauffait la façade de sa maison construite dans la plus pure tradition. «  C’est Jean Mengeon, l’ancien Maire qui lui avait mis le courant en 1961, avant il avait un moteur à essence pour faire tourner  « la petite battante » pour couper des planches. Car Ernest était un talentueux menuisier. Il fabriquait des petits seaux en bois pour faire boire les veaux, des balais, des manches de faux, de pic, il était fier de montrer son atelier mais les forces ce soir l’avaient abandonnées.                
                                « Le temps… c’est pas ça ! » disait t il «  l’automne est trop pluvieux, la neige ne descend pas «  Ernest était visiblement angoissé, comme s’il avait besoin de cet isolement de ce manteau neigeux pour passer une fois encore l’hiver seul.
                               La porte s’est refermée, « titi » est resté endormi sous le banc, l’éprouvette du pluviomètre débordait, la sonde à neige était restée muette : Ernest s’était assoupi à côté d’un gros nuage pour mieux lire dans les étoiles et se rapprocher du temps.
Chacun a bien vu, dans les gorges du torrent,que la fumée ne s’échappait presque plus de la cheminée. » Néness  nous a quitté » du côté du « Miravidi » il est allé se confondre dans ces cristaux de neige ou sur un rayon  soleil, emporté par un anticyclone, pour mieux  comprendre… ce mauvais temps sur Préfumet.
Pierre Villeneuve