Impôts : ce qui se profile à partir de 2018
Assommés par un choc fiscal sans
précédent, de nombreux contribuables attendent un allègement de leur
fardeau fiscal, plus de stabilité et une simplification. Qu'en sera-t-il
véritablement ?
L'automne s'annonce chargé sur le plan
fiscal. Le Gouvernement va devoir lever les incertitudes liées au report
du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et mettre en
musique le programme du candidat Macron. Pas de grand soir fiscal, mais
un train de propositions destinées à soutenir le pouvoir d'achat des
classes moyennes et l'investissement dans les entreprises. L'incertitude
sur leur teneur exacte et sur l'agenda incite à parler au conditionnel.
D'autres mesures visant à redresser les comptes publics pourraient
avoir la priorité (afin que le déficit public ne dépasse pas la barre
des 3% en 2017, alors qu'il pourrait atteindre 3,2% sinon, selon la Cour
des Comptes).
Prélèvement à la source : reporté
Le Gouvernement a officialisé le 7 juin
dernier le report d'un an du prélèvement à la source (PAS) de l'impôt
sur le revenu, programmé à l'origine pour le 1er janvier 2018. Cette
décision vise à tester la robustesse technique de ce dispositif
particulièrement complexe qui suscite force interrogations et
inquiétudes. Elle est également motivée par la volonté de donner plus de
visibilité sur la fiche de paie à la baisse de charges salariales (voir
plus bas). Les entreprises qui sont au coeur du système en tant que
collecteurs d'impôt ont donc plus de temps pour se préparer et sont
invitées à se porter volontaires pour mener une expérimentation (600
inscrits mi juillet). Mais, même si le Gouvernement défend le principe
du PAS en le qualifiant de " progrès ", elles demeurent, comme les
contribuables, dans l'expectative quant à la décision finale qui sera
prise après la réalisation d'un audit.
Ce report qui sera acté en septembre
par ordonnance a deux effets. Tout d'abord, sauf si la réforme devait in
fine être enterrée, les contribuables ne seront ponctionnés tous les
mois sur leur fiche de paie qu'à partir du 1er janvier 2019 et le taux
d'imposition applicable (calculé sur la base des revenus 2017) sera
inscrit sur l'avis d'imposition adressé à l'été 2018. De même, l'acompte
de 30 % au titre du crédit d'impôt emploi à domicile ou garde d'enfant
ne sera versé qu'en février 2019 (si tant est qu'il soit maintenu).
Autre conséquence, 2017 ne sera pas une " année de transition " mais une
année " normale ". Alors qu'il était prévu que l'impôt sur les revenus
de 2017 (hors ceux dits " exceptionnels ") soit annulé par le crédit
d'impôt modernisation du recouvrement ou CIMR (voir IP n°753 mai 2017),
les contribuables devront bel et bien payer en 2018 l'impôt sur tous
leurs revenus 2017 dans les conditions habituelles (des acomptes
provisionnels ou prélèvements mensuels seront donc dus en 2018). "
Sont de ce fait pris à contre-pied ceux qui escomptaient tirer parti du
CIMR en négociant une prime ou faisant des heures supplémentaires, ou en
programmant un départ en retraite fin 2017. Pour réduire la note à
payer, ils peuvent d'ici décembre engager des dépenses déductibles du
revenu global (versement sur un PERP, pension alimentaire à un enfant
majeur non rattaché...) ou ouvrant droit à crédit/réduction d'impôt.
Ceux qui prévoient de gros travaux ont intérêt à les réaliser avant fin
2017 (100 % déductibles de leurs revenus fonciers) ou à les reporter
dans l'attente de précisions " explique Catherine Costa directeur à
l'ingénierie patrimoniale à la Banque Privée 1818. En effet, les
dispositions relatives à l'année de transition sont décalées d'un an et
s'appliqueront finalement aux revenus de 2018 selon des modalités qui
pourraient être modifiées par la loi de finances pour 2018, votée en fin
d'année, notamment afin de corriger les imperfections du CIMR (travaux
immobiliers, versements sur un PERP...).
Moins de charges, plus de CSG : des gagnants et des perdants
Pour permettre aux actifs de mieux
vivre de leur travail, il est prévu de supprimer en deux fois en 2018
(voir p.11) les cotisations maladie (0,75 % du salaire brut) et chômage
(2,40 % du salaire brut jusqu'à 13 076 € par mois) dues par les salariés
soit un gain de 3,15 points de cotisations. Les fonctionnaires
bénéficieraient d'une mesure équivalente. Ce coup de pouce aux salariés
du privé serait financé par une hausse de CSG de 1,7 point, le 1er
janvier 2018, point confirmé par le Premier ministre, Edouard Philippe,
et par Bercy le 23 août dernier. La hausse de CSG (voir tableau à la fin
de l'article) concernerait d'abord les salariés du privé (actuellement,
ils supportent une CSG de 7,5 % du salaire brut après abattement de
1,75 % dans la limite de 4 plafonds de la SS) qui au total gagneraient
1,48 % sur leur fiche de paie : pour un salarié rémunéré sur 13 mois au
SMIC le gain serait d'environ 285€/an ; il serait d'environ 400€/an s'il
perçoit 2 100 € brut/mois et 960 €/an s'il perçoit 5 000 € brut/mois.
Un gain grignoté par plus d'impôt, voire plus de taxe d'habitation
(hausse du net imposable). Les demandeurs d'emploi ne seraient concernés
ni par la hausse de CSG, ni par la baisse de charges. En revanche, les
titulaires de revenus professionnels BIC, BNC ou BA devraient verser
9,2 % de CSG au lieu de 7,5 %, sans que l'on connaisse pour l'heure ce
qui leur serait accordé en compensation.
Autre catégorie impactée par
l'augmentation de CSG, les retraités qui ne seraient pas tous logés à la
même enseigne. Seraient épargnés les retraités modestes exonérés de CSG
ou bénéficiant d'un taux réduit de 3,8 %. L'augmentation serait en
revanche subie de plein fouet par les retraités aisés soumis à la CSG au
taux de 6,6 % (RFR 2015/part fiscale supérieur à 14 375 € soit environ
1 200 € net/mois). Ainsi, un retraité percevant 2 000€/mois perdrait
environ 408€/an et 612€/an si sa pension est de 3 000€/mois, un manque à
gagner qui ne serait pas compensé par une exonération de taxe
d'habitation (voir plus bas). Autres perdants, ceux qui perçoivent des
revenus du capital (dividendes, intérêts, plus-values mobilières et
immobilières, revenus fonciers) qui devraient acquitter 9,9 % de CSG au
lieu de 8,2 % (soit 17,2 % de prélèvements sociaux, au lieu des 15,5 %
actuels).
4 Français sur 5 exonérés de taxe d'habitation à l'horizon 2022
La taxe d'habitation (TH) pèse très
lourd sur le budget de rentrée des ménages qui se sentent injustement
délestés d'un impôt aux règles de calcul particulièrement illisibles
dont la base taxable – la valeur locative- remonte à 1970. À cela
s'ajoutent des écarts de taux entre les communes qui varient du simple
au triple. En compensation, quelques exonérations sont accordées au
compte-gouttes à certaines catégories de ménages modestes. Sur ce
constat, le candidat Macron a promis d'exempter 80 % des Français de TH
sur leur résidence principale (18 millions de ménages exonérés à terme).
Promesse maintenue par le ministère de l'Economie (B Lemaire) qui a
confirmé, suite à l'arbitrage de l'Elysée, un début d'application à
partir de 2018. Seraient concernées par ce cadeau les personnes dont le
revenu fiscal de référence est inférieur à 20 000 € par part (pour la TH
2017, l'exonération est en dessous de 10 708 €). Même s'il est prévu
que l'État compense le manque à gagner pour les communes sur la base des
taux de 2016, celles-ci s'inquiètent de ce cadeau fiscal alors que
13 millions de ménages sont déjà exonérés ou bénéficient d'un
allégement. Si cette réforme devait aboutir, la TH deviendrait comme
l'IR un impôt hyper-concentré et l'on peut craindre que les 20 % de
redevables non exonérés supportent à eux seuls les éventuelles hausses
de taux votées par les communes sur des valeurs obsolètes (le chantier
de la mise à jour des valeurs locatives lancé en 2010 n'a toujours pas
abouti et prendra encore des années, s'il n'est pas enterré en cas de
suppression de la TH...évoquée aussi par le Président Macron).
L'ISF transformé en IFI ?
Pas de suppression de l'ISF en
perspective, mais une refonte qui sera votée cette année (loi de
finances 2018), avec une entrée en vigueur maintenue en 2018 suite à
l'arbitrage rendu par le Président de la République. L'ISF serait
recentré sur les actifs immobiliers et deviendrait l'IFI l'impôt sur la
fortune immobilière. Il s'appliquerait dans les mêmes conditions
qu'aujourd'hui (seuil d'entrée à 1,3 M€, barème inchangé). Seraient donc
imposables la résidence principale (après abattement de 30 %),
l'immobilier secondaire et locatif, et probablement les parts de SCI et
de SCPI. La sortie des autres actifs taxables de l'assiette pourrait
permettre à certains contribuables de passer en-dessous de la barre de
1,3 M€ et donc d'être exonérés (par exemple, un patrimoine de 1,8 M€
dont 600 000€ en immobilier). Pour un patrimoine de 2,5 M€ constitué
pour 60 % en immobilier, la facture passerait de 10 900 € à 3 900 €. "
Personne ne paierait donc un impôt plus lourd. Mais attention pour les
contribuables disposant d'un patrimoine immobilier important mais ayant
de faibles revenus, si le plafonnement de l'ISF en fonction des revenus
venait à être remis en cause, la facture pourrait au contraire grimper " alerte Thaline Melkonian responsable de l'ingénierie patrimoniale de Degroof Petercam.
A chaque revenu, son taux de CSG
type de revenus |
taux en 2017 |
Projet pour 2018 |
---|---|---|
Salaires |
7,5% |
9,2% |
Pensions de retraite |
6,6% (ou 3,8% ou 0%) |
8,3% (si taux de 6,6%) |
Revenus professionnels : BIC, BNC, BA |
7,5% |
9,2% |
Revenus du patrimoine et de placements |
8,2% |
9,9% |
Des revenus moins taxés
Afin d'orienter l'épargne vers
l'économie productive, les revenus du capital actuellement taxés comme
les revenus du travail au barème progressif de l'impôt pourraient être
soumis à une " flat tax " de l'ordre de 30 % (incluant les actuels
15,5 % de prélèvements sociaux). Elle s'appliquerait aux dividendes,
intérêts et plus-values mobilières sans préjudice du régime favorable du
PEA. Les revenus fonciers ne seraient a priori pas concernés. Il serait
possible d'opter pour le barème progressif. Ainsi, les ménages non
imposables ne seraient redevables que des seuls prélèvements sociaux.
Cette réforme impacterait aussi l'assurance-vie, mais seulement pour les
nouveaux versements et pour les encours supérieurs à 150 000 €. " Cette
perspective défavorable pour les retraits effectués après 8 ans doit
inciter à abonder les contrats existants d'ici la fin de l'année "
conseille Catherine Costa. Toutefois, cette mise en place de la flat tax
est encore loin d'être actée. Après avoir gardé le silence sur cette
proposition, le Premier ministre a ensuite déclaré à la presse (Les
Echos 12/07) y être favorable dès 2018.