Compte-rendu de la soirée débat du Jeudi 3 Avril 2014
Organisée par l’Espace Associatif Cantonal d’Aime
et animée par Iris Médina :
« Les relations mère/fille »
Iris Médina est psychothérapeute, formatrice et médiatrice familiale.
En introduction :
Iris Médina pose le cadre de cette soirée un peu particulière, qui se veut
participative. Elle ne souhaite pas dérouler un exposé sous forme de conférence
mais partir des interrogations de chacun et permettre des échanges de points de
vue et une entraide entre participants. Elle précise également qu’elle prend
beaucoup appui sur son expérience de mère de famille de 3 enfants pour illustrer
par des exemples concrets les réponses qu’elle propose.
Tout d’abord, elle invite chaque participant à réfléchir aux questions suivantes :
« Pourquoi suis-je venu(e) à cette soirée aujourd’hui ?; Quelles sont mes
interrogations sur le sujet ? »
Iris Médina propose alors à une première participante d’énoncer à haute voix sa
réflexion :
1-Comment se mettre dans la peau d’une adolescente ?
Quelques réponses fusent, d’autres participants : « Rappelle-toi la tienne ! » ;
« Oui, mais ce n’est pas pareil, ce n’est pas la même époque ! » ; « Le plus
incompréhensible, ce sont les changements d’humeur toutes les demi-heures ! »,
…
Iris Médina prend alors la parole : « Aujourd’hui (depuis environ une vingtaine
d’années, comme le souligne Jean-Paul Gaillard dans son livre Enfants et
adolescents en mutation), nos jeunes, nos enfants ne sont plus du tout sur la
même construction que nous ! Si on prend l’exemple d’une maison, ils ne sont
pas faits avec les mêmes matériaux. Aujourd’hui, les jeunes ont une facilité
impressionnante de passer d’un état à un autre. La façon de vivre l’émotion est
beaucoup moins filtrée que de notre temps ! La hiérarchie verticale n’existe
plus, elle est obsolète : avant, on concevait qu’un patron puisse être
irrespectueux avec ses employés mais pas l’inverse. Aujourd’hui, cela ne
marche plus ! La notion de dominant/dominé ne fonctionne plus.
Et les réactions excessives des jeunes nous font peur… Nous avons l’impression
qu’il n’y a pas de digue et nous nous posons la question : « Jusqu’où cela va-t-il
aller ? ». Mais c’est plus l’expression de ces émotions qui nous fait peur et,
parallèlement, il est très important qu’elles puissent s’exprimer car sinon, cela
fait « cocotte minute » ! ».
En tant qu’adulte, on a le droit de ne pas être « entamé » par cette bourrasque
émotionnelle (colère, tristesse du jeune). Il faut alors ne pas tenter d’être
autoritaire mais négocier (en parlant, par exemple, autour d’une table
chaleureuse avec boissons et gâteaux).
Ex : « ça te regarde d’être en colère mais je ne veux pas que ça me retombe
dessus ! ».
Plus on va trouver du confort dans la vie quotidienne, plus les jeunes vont se
sentir responsables dans la gestion de cette vie quotidienne.
Attention donc au chantage qui entre dans le registre de la domination et de la
soumission. Pour l’enfant, le jeune, il n’y a aucun lien qui se fait entre la
restriction (ex : privé de portable) et le comportement, d’où un sentiment
d’injustice !
D’ailleurs, selon l’intervenante, priver un jeune de son portable est pour lui une
grande souffrance : c’est comme si on lui enlevait un bras !
Avant d’entrer dans un processus de négociation, il est important, en tant que
mère, de lâcher dans sa tête son intention de se faire respecter comme tel et que
les enfants soient de telle ou telle manière.
Une clef, selon l’intervenante, serait de tenter d’adopter leurs comportements
afin d’être dans un effet miroir qui permet d’entrer en relation.
De plus, selon Iris Médina, la crise d’adolescence est « une fabrication
culturelle ». On met trop le focus sur cette période de la vie. A tel point que des
parents s’inquiètent que leur enfant ne fasse pas « sa crise d’adolescence ».
2-Comment régler un problème de communication entre mère et fille ?
(manque de dialogue, peu de nouvelles lorsque la jeune est en sortie…)
Iris Médina rappelle que, bien souvent, derrière cette apparente négligence de la
mère, la jeune n’exprime pas de méchanceté mais de l’insouciance, une envie
d’être qu’avec ses amis, …
Dans ce genre de situations (départ d’une jeune de la maison, séjour de plusieurs
jours, …), il peut être intéressant de signer un contrat avec son enfant : un
document écrit sur lequel on s’engage autant qu’eux !
Pour tenter d’améliorer les relations, on peut également jouer sur la dérision
(effet miroir) mais on n’est pas toujours d’humeur à avoir de l’humour (et il faut
faire attention à ne pas vexer les jeunes…).
3-Pourquoi c’est compliqué, la relation mère/fille ?
Tout d’abord, une mère et une fille, c’est deux femmes qui se font miroir.
En tant que femme, je vais m’identifier à des femmes et la première de ces
femmes est ma mère, qui sera mon modèle jusqu’à un certain temps.
Mais cette relation en miroir est quelque chose d’incontrôlable… En tant que
mère, on transmet malgré nous des attitudes, des réactions qui nous sont propres,
à notre fille... A tel point que parfois, on aurait envie de lui dire : « arrête ! on
dirait ta mère ! ».
Dans l’intérêt de chacun et pour le bien-être de cette relation, il est donc
important de prendre de la hauteur et de faire le point sur la situation en se
rappelant que nous ne sommes pas notre fille et que notre fille n’est ni nous, ni
celle que nous voulons qu’elle soit !
Cependant, il n’y a rien de définitivement et indubitablement écrit dans la
relation mère/fille. D’ailleurs, les questions que l’on se pose sont souvent liées à
notre culture.
En France, par exemple, les difficultés relationnelles dans l’éducation vont
souvent être plus importantes entre la mère et l’enfant car ce sont encore les
mères qui s’occupent beaucoup plus des enfants.
Culturellement parlant, on est encore sous le joug du patriarcat ! Notre cerveau
est donc encore empreint de l’idée que l’on a des marches à rattraper, d’où le fait
que l’on veuille souvent se prouver des choses en termes d’éducation ou dans
ses relations aux autres.
Les études montrent également que les femmes sont souvent plus intransigeantes
avec leurs filles qu’avec leurs garçons. En tant que mère, on donne
implicitement des messages à ses filles (ex : il faut qu’elles se battent plus,
qu’elles prouvent plus leurs valeurs, …).
Le père va amener un équilibre dans cette relation mère/fille (du bon sens, plus
de hauteur, parfois plus de douceur dans les choses à discuter, faire accepter,
…).
Les filles se heurtent toujours au schéma traditionnel et, à un stade donné, se
disent « je ne ferai pas comme ma mère ! ». Mais pour Iris Médina, ce discours
est bienvenu ; il fait « avancer la machine » !
Dans cette relation, il est avant tout important d’écouter son propre baromètre de
confort (en prenant de la hauteur… avec l’image de monter sur une chaise pour
observer la situation). Une fois qu’on a fait le point avec soi-même et que l’on
est au clair avec ces craintes, que l’on a mis en relief ses besoins, on est prêt à
discuter avec sa fille. Il peut être aussi intéressant de laisser à son enfant la
possibilité d’amener une idée : cela le responsabilise et cela veut dire qu’il est
d’accord pour négocier.
4-Que faire avec des filles qui envahissent leurs mères ?
Iris Médina dit : « En tant que maman, on se met un de ces cahiers des
charges… on est fêlées ! ».
Selon elle, « cela donne une force de mettre des enfants au Monde mais
parallèlement, notre cahier des charges de femme enfle : on veut être les
meilleures mamans du Monde !... et au bout d’un moment, on se prend un
mur ! ».
Une des possibilités, selon l’intervenante, est de faire dégonfler un peu le cahier
des charges et de comprendre que le bonheur de nos enfants ne dépend pas de
nous !... On peut y contribuer par ses choix en matière de santé, par le fait que
l’on va payer ou non leurs études, …
Il est également important de leur faire réaliser ceci : ils sont aussi responsables
de leurs actes et de leurs prises de décision. Tout ne nous revient pas.
5-Comment gérer le regard des autres dans la relation éducative ?
Selon l’intervenante, nos parents n’étaient pas autour de nous comme nous
sommes autour de nos enfants. Le livre de Bernard Martinot Le bébé est une
personne, paru en 1982 a révolutionné le regard de la société sur les tout-petits.
Nous sommes passés d’un bébé « ça mange, ça dort » à un bébé qui devient le
centre de la famille.
Attention, cette révolution n’a pas été sans faire de dégâts : la vie de couple en a
pris un certain coup ! Quand une femme devient mère, elle est maman avant
tout ! On paye un peu le prix de cela avec un effacement de nous…
Et c’est dans ces périodes-là que l’on est fragile et que l’on se sent attaquée par
le regard d’autrui.
Or, si le comportement d’autrui, je ne le prends pas contre moi mais pour la
personne (ex : elle est fatiguée, il est malade, il est en retard, …), cela
fonctionne bien mieux !
L’endroit qui est touché par ce regard est souvent un endroit où notre estime de
soi n’est pas suffisamment tranquille ! Une fois que l’on en a pris conscience, il
faut essayer de travailler là-dessus. (ex : Lorsque l’on est irritée par les
injonctions sociétales données aux femmes. Il est important de prendre de la
hauteur et de s’affranchir de ce qu’on prend pour une obligation mais qui n’en
est pas une !).