Oh ! Marie si tu savais !
Dans l’atelier de César Carrasco, les essences de bois composent une de ces odeurs subtiles qu’on a du mal à quitter. Le colle en peau de lapin, embaume l’établi. « cette colle est issue des techniques du Moyen Age et j’en ai retrouvé la composition . Son particularisme est son élasticité. Sa souplesse naturelle lui permet de s’adapter aux variations et craquements du bois, aux tensions mais aussi de protéger les peintures du baroque qui se déclinent du vert, au bleu, au rouge.
Ici à la chapelle, je dois allier également les feuilles d’or et d’argent, c’est assez rare ! »
César est avant tout un artiste qui maîtrise parfaitement toutes les techniques liées à la restauration certes mais aussi à la fabrication de ces statues ou angelots disparus lors de vols dans les chapelles.
"Ah ! cette Marie ! elle m 'a donné du mal et du travail. Haute de 80 cm elle pèse 5 kg. Son corps est fait de lamellé collé de ce bois de tilleul prélevé à Hauteville-Gondon même ..deux mois de travail sans relâche, presque jour et nuit afin que Marie se transcende sous mes gouges, éclate de beauté sous mes pinceaux ! »
Le talent est dans le geste !
« En effet il en est fini de sculpter sur un tronc d’arbre. Il faut éviter les torsions du bois, les fentes, cette nouvelle technique qui permet de travailler le bois séché et étuvé, nous autorise à penser que même d’ici 300 ans, cette Marie sera intacte…. même si elle est triste puisqu’elle vient d’assister à la descente du Christ de la Croix. »
« Pour réaliser cette sculpture je dois pénétrer la forme, sentir les volumes. Dés que le bloc est prêt, je commence à la tronçonneuse, puis aux ciseaux, à la gouge pour donner à la vierge Marie sa taille. Au fur et à mesure j’avance avec elle, il y a comme une fusion qui s’installe, elle est impatiente de se voir, je suis fébrile jusqu’à la dernière feuille d’or et d’argent.
César ! Colporteur des savoir faire du Baroque !
Mais le meilleur reste à venir ! Marie ira se hisser à la poutre de gloire, César déposera Marie à la droite du Christ « alors qu’elle est toujours à gauche ! »…Dans son échoppe, Saint Jean Baptiste trépigne déjà sous les premiers copeaux alors que bientôt il devra réaliser la piéta !
Pierre VILLENEUVE