Voisinage et servitudes
Chacun chez soi... avec des limites
Laisser
un voisin accéder à sa parcelle, ne pas empiéter sur le domaine
public : voici quelques servitudes auxquelles nous sommes soumis.
Parfois nous devons aussi gérer des conflits de voisinage. Le droit
tranche toujours le problème.
Être propriétaire d'une maison n'exclut pas
que vous soyez soumis à certaines obligations à l'égard de vos voisins
et que ceux-ci doivent aussi respecter certaines règles. La première est
de ne pas empiéter sur la propriété d'autrui, ce qui n'est pas toujours
simple lorsque le terrain n'est pas borné. Si vous avez besoin d'un
bornage, mettez-vous d'accord avec votre voisin afin d'en partager les
frais. Celui doit être réalisé par un géomètre-expert (voir le site
www.geometre-expert.fr). "
Le tarif varie en fonction de la taille du terrain et de
la complexité du travail, notamment s'il est nécessaire de faire des
recherches sur les documents prouvant la propriété. Pour un bornage
simple, comptez 1 000 € environ
", explique Franck Bourdon, géomètre expert. En cas
de désaccord, il est possible de faire réaliser un bornage judiciaire.
Le tribunal d'instance est alors compétent et chaque partie doit
apporter les preuves qu'il détient afin de faire valoir son droit à la
propriété (cadastre, configuration des lieux etc.). Le juge peut
demander la nomination d'un géomètre-expert. Un procès-verbal de bornage
est établi et si les propriétaires tombent d'accord, ils signent ce
document. Si l'un des deux n'est pas d'accord, un procès-verbal de
bornage est rédigé et les bornes sont indiquées en fonction du jugement
rendu. Sans contestation pendant trente jours, le bornage devient
définitif. Une fois le terrain borné, chaque propriétaire a le droit de
clore son terrain. Mais attention, les règlements d'urbanisme peuvent
imposer un mode de clôture et vous n'avez pas le droit de clore votre
terrain si votre voisin bénéficie d'un droit de passage (article 701 du
code civil). En revanche, dans un souci de sécurité, vous pouvez, avec
l'accord du voisin, créer une clôture avec une ouverture permettant
aussi à votre voisin d'accéder à la parcelle.
Éviter l'empiétement chez vous
Si un voisin empiète sur votre propriété : il
faut savoir que même un empiétement minime qui ne cause pas de gêne est
sanctionné par les tribunaux. L'empiétement peut être contesté dans les
trente années à compter du moment où il a eu lieu. Passé ce délai, un
recours reste possible, mais le voisin peut revendiquer la partie du
terrain occupée. Dans ce type de contentieux, le juge de grande instance
est compétent et l'avocat est obligatoire, il faut donc donner les
preuves de votre propriété (titre de propriété, éventuellement
procès-verbal de bornage...) à l'avocat. Si votre voisin construit un
mur sur votre propriété, demandez à faire suspendre les travaux (action
dite en dénonciation de nouvel oeuvre) ; si le mur est déjà construit,
vous pouvez demander sa destruction (action dite en réintégration).
Enfin, si vous êtes en limite du terrain par rapport à la voie publique,
renseignez-vous auprès de la commune sur la limite entre le domaine
public et votre propriété : cela vous permettra de savoir s'il existe un
plan d'alignement que vous devrez respecter.
Gérer un mur mitoyen
Selon le code civil (article 653), tout mur
séparant deux propriétés est présumé être mitoyen, c'est-à-dire
appartenir aux deux propriétaires. Mais comme tout élément de bâti, il
faut l'entretenir et le réparer lorsqu'il est en mauvais état. En
principe, ces frais doivent être partagés mais, si votre voisin refuse,
il faut saisir le tribunal de grande instance avec l'aide d'un avocat.
Il faudra apporter au juge la preuve de la mitoyenneté du mur.
Attention, le propriétaire qui effectue les travaux sans l'accord de
l'autre ou sans jugement l'y autorisant perd le droit de demander à
l'autre de contribuer aux frais. Il peut même s'exposer à un recours
s'il endommage le bâti pendant les travaux. Enfin, sachez qu'un mur peut
être mitoyen en partie : si deux maisons sont accolées, leur mur commun
n'est mitoyen que jusqu'au niveau où commence la toiture de la maison
la moins élevée (au dessus, il appartient au propriétaire de l'autre
maison).
Calmer les voisins bruyants
Autre problème de voisinage important : le
bruit. Sachez que, de jour comme de nuit, tout bruit qui porte atteinte à
la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est interdit et
l'idée répandue qu'il est possible de faire du bruit jusqu'à 22 heures
n'est pas juridiquement fondée. L'auteur de bruits excessifs encourt une
contravention de troisième classe (1 500 €), à condition de pouvoir
faire intervenir la police... Un locataire peut aussi se voir donner son
congé par le propriétaire parce qu'il n'use pas paisiblement des locaux
loués. Si des démarches amiables (préalable indispensable) ne
fonctionnent pas, vous pouvez faire appel au conciliateur de justice
(démarche gratuite). Pour le contacter, vous devez écrire au tribunal
d'instance et demander une conciliation.
Faute de résultats, il faut commencer par
mener une action au pénal contre le voisin. Pour cela, demandez à la
police de venir constater les troubles et si les faits se reproduisent,
ils verbaliseront. "
Mais si les forces de l'ordre ne se déplacent pas ou
refusent d'établir un procès-verbal, vous devrez porter plainte auprès
du procureur de la République en joignant à votre lettre tous les
éléments nécessaires aux poursuites. Si cela aboutit à un procès, vous
pouvez demander une indemnisation au voisin fautif
", rappelle Maître Philippe Hugon De Villers, avocat
au barreau de Marseille. Si le procureur classe l'affaire, vous pouvez
encore agir devant les tribunaux civils et assigner votre voisin devant
le tribunal d'instance (en dessous de 10 000 €) ou de grande instance
au-dessus de ce seuil.
Trouble anormal du voisinage, c'est quoi?
De façon générale, en cas de nuisance
qui peut être sonore mais qui peut être due aussi à une odeur
nauséabonde, les tribunaux recherchent si la nuisance correspond à un
trouble anormal de voisinage. Dans ce cas, le préjudice peut être
indemnisé. Cette notion est floue et les tribunaux se prononcent au cas
par cas, compte tenu des éléments propres à chaque situation. Il faut
donc vous préparer à constituer un dossier permettant au juge d'évaluer
au mieux la situation : constats d'huissier, lettres de voisins se
plaignant également de la situation, certificats médicaux montrant que
le problème (notamment le bruit) est nuisible à votre santé. De plus, il
faut prévoir un budget: les constats d'huissier coûtent en moyenne
300 € et l'assignation environ 2 000 €.