samedi 6 avril 2019

IL ETAIT UNE FOIS ODETTE RUAZ DE VULMIX !


DEUX MAINS, UNE ÉTREINTE, UN AMOUR ÉTERNEL !

En cette soirée d’ automne, les dernières tarines avaient regagnés l’étable. Le soleil était désormais pressé de disparaître du côté des Chapelles. Ce soir les lampions avaient été suspendus dans cette écurie entre Vulmix et la Thuile  de  Vulmix « presque en face l’école ».
                                                  Portrait d’Odette RUAZ
 Odette avait donc accepté de nous raconter son parcours de vie.
Après une scolarité studieuse avec Mme Croso son institutrice à Vulmix, Odette obtenait, avec succès, son Certificat d’Études. «  Mes parents avaient décidé de poursuivre mes études. A  Moutiers j’ai appris à taper à la machine à écrire et la sténo ! » De suite les yeux d’Odette se sont éclairés...Elle venait d’accepter d’ouvrir le grand livre de ses souvenirs.
                     Mais vous savez, je n’ai pas grand-chose à vous raconter !
Ainsi, ce soir du bal tant attendu car peu fréquent, Odette avait mis ses habits d’un noir élégant, l’ensemble, moucheté de petites étoiles blanches donnait de l’allure. Son foulard drapait ses épaules, le tout relevé par un col d’un blanc éclatant brodé au crochet. Ses cheveux étaient tirés vers l’arrière, des épingles retenaient quelques mèches rebelles avec des reflets dorés, empruntés aux soleils des alpages.
                     Une soirée dédiée aux rencontres, après la démontagnée.
Les airs d’accordéon se promenaient sous les poutres, les odeurs de foins allaient, en volutes, à la rencontre des couples, d’autres discutaient sinon échangeaient des mots au coin du comptoir. « C’est Ulysse qui est venu me demander de pousser la valse ! ». Les mains se sont jointes, les pas s’essayaient à la cadence, les rires venaient excuser une glissade..Et puis soudain la musique s’est arrêtée, Ulysse et Odette sont restés muets, immobiles, face à face, sans que rien ne bouge…un amour éternel venait de s’avouer.
         Odette et Ulysse se sont dits « OUI » en 1945 à La Thuile de Vulmix
"Le Café" d'Odette et le couloir de la fabrique de limonade ( Grande Rue)
Ainsi les travaux de la ferme vont reprendre le dessus afin d’aider les parents. Pourtant en 1953 « Odette » ouvrira « LE CAFÉ » à Bourg Saint Maurice, dans la Grande rue. Simultanément Ulysse se lancera dans la fabrication de la limonade, là où existait un grand couloir attenant avec des petits wagonnets ! «  Ulysse livrait  les bistroquets et la pharmacie ! » A la gare nous allions retirer les fûts de bière d’Alsace, à Evian nous allions chercher les jus de fruits, de l’eau de Vichy, Vittel… »Nous n’avions pas de frigo, le tout était au frais dans la cave à voûtes..C’était bien meilleur !
Au «  Café » les anciens venaient jouer à la belote, même que parfois je faisais la 4éme, Et à chacun sa tournée ! Le samedi jour de marché, les clients laissaient leur sac tyrolien…Il y en a qui avait du mal à le reconnaître…à Bourques, il y avait beaucoup de débits de boissons !
Plus tard Ulysse prendra une licence de chauffeur de taxi n°8 Il avait une belle DS Citroën..Oui une ID !
                                        La dignité dans la douleur
Ulysse,Odette et leurs deux enfants Roger et Norbert
De cette union, de cet amour naitront deux fils Roger et Norbert. Mais le sort s’acharnera. Tous les deux, prématurément, disparaîtront. Cette douleur, Odette, la portera avec dignité, mais la plaie, elle, ne se refermera pas. Sous son charme, Odette a continué à montrer le fruit de son travail. Au nom de cet amour indéfectible qu’elle a connu avec son regretté Ulysse,  Odette a su effacer ces rides, elle a su garder ce charme en elle, elle reçoit de ses petits enfants Philippe, Frédéric, Perrine  ces étreintes réparatrices, elle mêle ses regards dans les yeux de Maya, sa petite fille «  92 ans nous séparent ! »
       Le temps n’avait aucune prise sur Odette : Une vie s’est envolée
Odette et Maya...92 ans les séparent!
Dans sa modeste mais coquette maison route de Vulmix, Odette promenait ses yeux quelque part perlés d’émotion sur les cadres alentours. Les secondes égrainaient  les silences, les tricots fabriqués par Odette étaient fièrement suspendus, les heures sonnaient au clocher du village.
Entourée d’ Yvonne et Ginette, ses nièces, Odette devait se préparer à se rendre au marché en ce samedi matin avec Simone, sa copine, ce soir elle irait assister à la messe à N.D. des Neiges, à deux pas.
Il a bien fallu quitter Odette «  elle qui n’avait rien à nous dire. Je suis resté plus de deux heures à l’écouter ! « Déjà vous partez? »dira t elle !
Merci Odette d’avoir accepté d’ouvrir votre cœur.  Vos émotions étaient à hauteur « de cette vie qui s’est envolée ».
Pierre VILLENEUVE