samedi 15 juillet 2023

TEXTE DE Michel ETIEVENT...DIRE LA SAVOIE !

 

Texte de Michel Etievent Dire la Savoie donc la Tarentaise au delà des clichés de la carte postale.

Dire la Savoie donc la Tarentaise au delà des clichés de la carte postale.
Pour comprendre la Savoie, il faut contourner le vernis des dépliants touristiques et s’approcher du pays profond. Au-delà des sources cristallines, des yeux des lacs d’altitude, des glaciers qui posent aux prés leurs couleurs de saisons, on découvre les hommes et les femmes qui ont enfanté les paysages. Ils ont l’âme lourde des errances quand le pays se réduisait aux misères des neiges précoces. Un jour, ils ont abandonné l’asphalte des chemins pour s’accrocher et vivre au pays. C’était une époque on l’on apprit à transformer l’eau en feu et le feu en acier. On vit germer au fil des savoirs faire aguerris des paysans et des migrants, le lingot de carbure, le pain d’aluminium ou le fil d’acier.
Il y eut ces cheminements entre fours et sillons, ces marches quotidiennes d'ouvriers paysans qui faisaient glisser l’homme du trésor du Beaufort aux récoltes modernes du zirconium ou du silicium. De ces mains jaillirent au fil du chahut des torrents les barrages des montagnes. Des voûtes s’élevèrent du côté de Tignes, Roselend ou Saint Guérin et l’on vit naître et naître encore d’autres lieux où l’homme maîtrisa les sciences et les techniques, changea la silice des roches en silicone, l’anthracite en carbone, le carbone en pile photovoltaïque.
On lissa sur place les revêtements des fusées, les intérieurs d’Ariane, le titane des moteurs d’ Airbus ou l’inoxydable des formules1. On changea la pierre en carborundum aux forêts effilés, on transforma le sodium en médicaments de pointe, le chlore en peinture rouge unique des voitures Ferrari.
Inventions sociales emmaillèrent innovations industrielles pour faire germer d’autres dignités. Au fil des fraternités, on rajouta du soleil au fond des fiches de paie et de multiples années aux morts trop précoces des anciens. D’Ambroise Croizat, bâtisseur de la sécurité sociale aux ouvriers d’aujourd’hui se préparaient les conquis du siècle. Bientôt aussi, au gré des montagnes, murissait une autre belle aventure humaine. Les hommes troquèrent la pelle pour la perche, le pylône pour le remonte-pente ; on domestiqua les vertiges de la pente, on lissa les gazons d’altitude où se lovèrent les bijoux des Alpes. De Courchevel à la Plagne, des Arcs à Valmorel, l’homme apprit à offrir à ses hôtes la rencontre des paysages au creux des combes où dorment les gentianes.
Peu de pays concentrent, à l’image de la Savoie et en un espace géographique aussi restreint, toutes les grandes aventures économiques et humaines du siècle. Au tourisme, à l’industrie, à l’agriculture, il faudra aussi ajouter les inventions thérapeutiques des pionniers du thermalisme. Au creuset des sources glaciaires s’apaisent les douleurs des hommes.
Terre, usines, neige, thermes, l’inventaire économique est précieux. Il ressemble aux talents des hommes et des femmes qui ont su les faire fructifier. Sans jamais oublier l’humain. Pilier vital d’une terre où les étoiles, dit-on, ne meurent jamais…
 
Michel ETIEVENT