Texte de Michel Etievent Dire la Savoie donc la Tarentaise au delà des clichés de la carte postale.
Dire la Savoie donc la Tarentaise au delà des clichés de la carte postale.
Pour
comprendre la Savoie, il faut contourner le vernis des dépliants
touristiques et s’approcher du pays profond. Au-delà des sources
cristallines, des yeux des lacs d’altitude, des glaciers qui posent aux
prés leurs couleurs de saisons, on découvre les hommes et les femmes qui
ont enfanté les paysages. Ils ont l’âme lourde des errances quand le
pays se réduisait aux misères des neiges précoces. Un jour, ils ont
abandonné l’asphalte des chemins pour s’accrocher et vivre au pays.
C’était une époque on l’on apprit à transformer l’eau en feu et le feu
en acier. On vit germer au fil des savoirs faire aguerris des paysans et
des migrants, le lingot de carbure, le pain d’aluminium ou le fil
d’acier.
Il y eut ces
cheminements entre fours et sillons, ces marches quotidiennes d'ouvriers
paysans qui faisaient glisser l’homme du trésor du Beaufort aux
récoltes modernes du zirconium ou du silicium. De ces mains jaillirent
au fil du chahut des torrents les barrages des montagnes. Des voûtes
s’élevèrent du côté de Tignes, Roselend ou Saint Guérin et l’on vit
naître et naître encore d’autres lieux où l’homme maîtrisa les sciences
et les techniques, changea la silice des roches en silicone,
l’anthracite en carbone, le carbone en pile photovoltaïque.
On
lissa sur place les revêtements des fusées, les intérieurs d’Ariane, le
titane des moteurs d’ Airbus ou l’inoxydable des formules1. On changea
la pierre en carborundum aux forêts effilés, on transforma le sodium en
médicaments de pointe, le chlore en peinture rouge unique des voitures
Ferrari.
Inventions
sociales emmaillèrent innovations industrielles pour faire germer
d’autres dignités. Au fil des fraternités, on rajouta du soleil au fond
des fiches de paie et de multiples années aux morts trop précoces des
anciens. D’Ambroise Croizat, bâtisseur de la sécurité sociale aux
ouvriers d’aujourd’hui se préparaient les conquis du siècle. Bientôt
aussi, au gré des montagnes, murissait une autre belle aventure humaine.
Les hommes troquèrent la pelle pour la perche, le pylône pour le
remonte-pente ; on domestiqua les vertiges de la pente, on lissa les
gazons d’altitude où se lovèrent les bijoux des Alpes. De Courchevel à la
Plagne, des Arcs à Valmorel, l’homme apprit à offrir à ses hôtes la
rencontre des paysages au creux des combes où dorment les gentianes.
Peu
de pays concentrent, à l’image de la Savoie et en un espace
géographique aussi restreint, toutes les grandes aventures économiques
et humaines du siècle. Au tourisme, à l’industrie, à l’agriculture, il
faudra aussi ajouter les inventions thérapeutiques des pionniers du
thermalisme. Au creuset des sources glaciaires s’apaisent les douleurs
des hommes.
Terre, usines,
neige, thermes, l’inventaire économique est précieux. Il ressemble aux
talents des hommes et des femmes qui ont su les faire fructifier. Sans
jamais oublier l’humain. Pilier vital d’une terre où les étoiles,
dit-on, ne meurent jamais…
Michel ETIEVENT