La réforme des retraites complémentaires
Pas de pension au taux plein avant 63 ans
L'âge
légal pour prendre sa retraite complémentaire reste officiellement fixé
à 62 ans mais, en réalité, la réforme adoptée le 30 octobre dernier en
reporte le bénéfice d'une année supplémentaire. Explications.
Il aura fallu pas moins de sept réunions entre
le 17 février 2015 et le 30 octobre dernier pour que les partenaires
sociaux signent un accord qui réforme les régimes de retraite
complémentaires Agirc et Arrco (le "2e étage" des retraites pour les salariés et cadres) et qui doit les sauver, au moins provisoirement, d'une faillite annoncée.
Nouveau recul pour les uns car il repousse de
facto l'âge de départ, courageux et inespéré pour les autres car il
sauve le paritarisme, l'accord du 30 octobre va changer la donne pour
les futurs retraités et aussi pour ceux déjà en retraite.
Un an de plus pour le taux plein...
À partir du 1er janvier 2019, l'âge
de la retraite complémentaire ne passera pas à 63 ans mais, en
pratique, ce sera tout comme... Sans toucher à l'âge légal (62 ans) ni à
la durée d'assurance requise (165 trimestres aujourd'hui) qui ouvre
droit à la retraite à taux plein, l'accord en décale l'entrée en
jouissance d'une année pleine. Autrement dit, il faudra attendre un an
de plus pour bénéficier en totalité de sa retraite complémentaire à taux
plein acquise douze mois auparavant...
Concrètement, l'assuré âgé de 62 ans et
justifiant des 166 trimestres requis devra attendre ses 63 ans s'il veut
partir avec une retraite complète. Le salarié âgé de 64 ans, lui, devra
patienter jusqu'à 65 ans, etc. "
Par ricochet, ce report d'un an aura un effet bénéfique
sur la retraite de base puisqu'il implique quatre trimestres
supplémentaires (par rapport à ceux requis pour avoir le taux plein, NDLR) qui
ouvriront droit à une surcote
", explique Pascale Gauthier, associée au cabinet conseil Novelvy.
... Ou un malus pendant trois ans (ou moins) mais pas après 67 ans
Celui qui décidera néanmoins de liquider ses
pensions à partir de l'âge légal (avec le nombre de trimestres requis)
supportera un " coefficient de solidarité " – autrement dit un malus –
de 10 % déduits sur sa pension pendant trois ans. L'accord prévoit
toutefois que la troisième année de malus ne s'appliquera pas si les
finances des régimes le permettent.
"
Ceux qui veulent vraiment partir dès l'obtention du taux
plein ne vont pas attendre. Ils percevront immédiatement 90 % de leur
pension et récupéreront l'intégralité de leur retraite complémentaire
après deux ou trois ans
", estime Pascale Gauthier. Mais pour Emmanuel Grimaud, fondateur et président du cabinet Maximis Retraite : "
la plupart des assurés se focalisent uniquement sur le
taux plein. Ceux-là vont probablement décider de retarder leur départ
sans calculer l'impact réel d'une telle décision sur le montant de leur
pension
". Chez Maximis Retraite, on a fait le calcul : "
ce malus de 10 % va porter uniquement sur la retraite
complémentaire et donc, en fin de compte, ne réduire la pension totale
versée que de 5 à 7 %
".
D'autant que l'application de ce malus sera
limitée. D'une part, il ne jouera plus à partir de 67 ans – le salarié
qui partira à 66 ans (avec une durée d'assurance complète) supportera la
baisse de 10 % seulement pendant une année et non pas durant 3 ans –
et, d'autre part, les petites retraites – celles qui sont exonérées de
CSG – ne seront pas concernées par ce dispositif. Un peu plus de 30 %
des retraités échapperont ainsi à un possible malus.
Bonus pour les fanas du boulot
Inversement, les salariés qui décideront de
partir après cette année supplémentaire bénéficieront d'un " bonus " de
leur pension dont le taux augmentera selon le nombre de trimestres
travaillés en plus : 10 % pour 8 trimestres supplémentaires, 20 % pour
12 trimestres, 30 % pour 16 trimestres. Attention, ce bonus ne sera
accordé que pendant une seule année. "
Contrairement à la surcote obtenue simultanément sur la retraite de base qui, elle, est définitive
", rappelle Pascale Gauthier.
Gel des pensions dès 2016
En attendant 2019, d'autres mesures ont été
décidées par l'accord qui, elles, s'appliquent dès l'année prochaine et
concernent les retraités actuels.
Tout d'abord, la revalorisation annuelle des pensions interviendra désormais le 1er novembre et non plus le 1er avril. Ce décalage devrait générer une économie de 300 millions en 2017 et de 1,5 milliard d'euros en 2018.
Par ailleurs, entre 2016 et 2018, cette
revalorisation annuelle sera minorée d'un point par rapport à
l'inflation, comme cela a déjà été le cas en 2014 et 2015. Une " clause
plancher " est toutefois prévue pour éviter une baisse des pensions en
cas d'inflation trop faible. Cette mesure devrait permettre aux caisses
de retraite d'économiser 1,3 milliard d'euros en 2017.
Enfin, jusqu'en 2018, le coût d'achat du point
va être relevé. Mécaniquement, à cotisations sociales égales, cette
mesure va aboutir à baisser le montant des futures pensions (voir
encadré).
D'après les signataires de l'accord, grâce à
toutes ces mesures, les régimes Agirc-Arrco sont sauvés avec un retour à
l'équilibre des finances à l'horizon 2024-2025. Ce dont doute Emmanuel
Grimaud : "
si les assurés se rendent compte du peu d'intérêt qu'ils
ont, pour la plupart, à reporter leur départ, les caisses
complémentaires ne seront pas aussi bien renflouées qu'annoncé
".
En attendant de vérifier les résultats
financiers de la réforme, les partenaires sociaux vont s'attaquer à un
autre grand chantier de la retraite complémentaire : la fusion des deux
caisses Agirc-Arrco au 1er janvier 2019.
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L'urgence des déficits
En 2014, l'Arrco a accusé un déficit
de 1,24 milliard d'€ (contre 405 millions en 2013) tandis que le trou de
l'Agirc atteignait 1,98 milliard d'€ (contre 1,24 milliard en 2013).
Sans l'accord du 30 octobre, l'Agirc aurait épuisé ses réserves dès 2018, celles de l'Arrco auraient disparu vers 2027.