Les actes coûtent un peu moins cher
Tarif des notaires : petite baisse et remises
L'espoir de réaliser des économies significatives en
cas d'achat immobilier sera probablement déçu malgré la baisse annoncée
du tarif des actes, car de leur côté les droits de mutation ont augmenté.
Prévue par la loi Macron du 6 août 2015
(pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques),
la réforme du tarif des notaires et d'autres professions réglementées
entre en vigueur en mai 2016. Elle consiste, d'une part, dans une baisse
générale du tarif des actes, d'autre part dans la possibilité pour les
notaires d'accorder de manière très encadrée des remises à leurs
clients. Ce qui ne soulève pas l'enthousiasme du notariat, tant s'en
faut« Nous nous attendions à ce que le gouvernement mette en place un tarif plus lisible, mais cela n'a pas été le cas », regrette Frédéric Roussel, notaire à Lille. « Il s'agit en fait d'un petit coup de rabot sur toutes les tranches des différents barèmes ».
Avec, dans certains cas (ventes immobilières de faible montant), un
plafonnement des émoluments dus au notaire. Quant aux remises, elles
auront souvent une portée plus symbolique que réelle comme le montrent
les simulations chiffrées réalisées pour notre enquête.
Coup de rabot à tous les étages
Pour comprendre, ce qui change avec
cette réforme, il faut d'abord rappeler que les prix des prestations
réalisées par les notaires restent, pour la plupart, encadrés : un tarif
public fixé par décret leur est applicable (dans ce cadre, la
rémunération est appelée « émolument »). Ce tarif est soit proportionnel
au montant concerné (ventes immobilières, donations, déclarations de
succession), soit forfaitaire et donc fixe, pour les principaux actes
concernant la famille (contrat de mariage, Pacs, acte de notoriété).
Depuis le 1er mai, l'ensemble des actes tarifés connaissent une baisse
des émoluments d'environ 1,33 % pour les actes de vente immobilière,
1,45 % pour les actes de prêt, 1,38 % pour les actes de notoriété, ou
encore 1,36 % pour les déclarations de succession. Conséquence : « Cette
modification du tarif se traduira par une baisse pour le client de tous
les actes tarifés, que le tarif soit fixe ou proportionnel », résume Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris. « Par
exemple, un contrat de mariage passera de 195 € pour le notaire (hors
coût de formalités telles que les copies ou demandes d'état civil) à
192,33 € ». Si, dans ce cas précis, l'économie n'est pas
spectaculaire, pour une vente immobilière, en dehors de la remise qui
peut être appliquée à partir d'un certain montant (voir plus bas), le
tarif baisse de façon un peu plus appréciable :
- pour un bien vendu 200 000 €, les
émoluments d'acte de vente passent de 2 061 € avant le 1er mai 2016, à 2
033,41 € à compter de cette date : soit une différence de 27,59 €,
correspondant à une baisse de 1,34 %;
- pour un bien vendu 400 000 €, les
émoluments d'acte de vente passent de 3 711 € avant le 1er mai 2016, à 3
661,41 € à compter de cette date : soit une différence de 49,59 €,
correspondant également à une baisse de 1,34 % (source : étude de
Frédéric Roussel).
À côté des prestations tarifées,
certaines prestations (baux commerciaux, par exemple, ou encore actes de
société ou consultations juridiques) sont rémunérées par des honoraires
libres. « Ils ne devraient pas baisser », précise Nathalie Couzigou-Suhas. Leur fixation donne lieu à une convention signée entre le notaire et son client.
Émoluments plafonnés
Pour les ventes portant sur des biens
de quelques milliers d'euros seulement (jusqu'à 9 000 €), le montant
des émoluments du notaire ne pourra pas dépasser 10 % de la valeur du
bien, avec un plancher de 90 €. Cette mesure concernera surtout les
ventes de parcelles de terres ou de forêts, ou, en milieu urbain, de
parties communes, caves et parkings d'immeubles. Concrètement, cela se
traduira par des baisses assez substantielles. Par exemple : pour une
parcelle vendue 3 000 €, la rémunération du notaire sera limitée à 300 €
(10 % de la valeur), contre un peu plus du triple (920 €) avant la
réforme. En ville, pour un parking vendu 5 000 €, la limite sera de
500 € (au lieu de 742 €), et de 200 € pour une cave d'immeuble vendue 2
000 € (contre 880 € actuellement). Avantageux pour les clients, ce
plafonnement est censé notamment favoriser la restructuration du foncier
forestier, encore actuellement très morcelé. Dans les villes, seuls les
acquéreurs de biens très peu chers pourront en profiter. Pour les
notaires des campagnes, cela va représenter un manque à gagner certain,
la mesure risquant d'engendrer « de réelles difficultés pour un certain nombre d'offices notamment en zone rurale ou semi urbaine » (selon le Conseil supérieur du notariat). « En pratique, la contrepartie financière de ces transactions pour l'office notarial sera souvent de 90 € hors taxe », estime Frédéric Roussel. « Pour
une vingtaine d'heures de travail, raisonnablement, entre la
négociation, la préparation, la formalisation et la réception d'une
vente de parcelle de terre, faites le compte », s'exclame-t-il.
Des remises très encadrées
Chaque notaire peut appliquer une
remise pour les prestations qui font l'objet d'une rémunération tarifée
proportionnelle (vente immobilière, donation, par exemple). Elle ne
s'applique que pour les différentes tranches d'assiette de la valeur du
bien supérieures à 150 000 €. Et cette ristourne ne peut pas dépasser un
taux de 10 % pour chacune de ces tranches d'assiette. « Le notaire
décide d'appliquer ou non cette remise, qui n'est pas négociable (au cas
par cas, NDLR) et bénéficie à l'ensemble de ses clients pour les actes
concernés », explique Nathalie Couzigou-Suhas. « Il peut décider d'appliquer 5 % pour les ventes et 2 % pour les donations-partages, par exemple ».
Les remises décidées doivent être affichées dans l'étude. Avec cette
possibilité nouvelle, les notaires sont susceptibles d'entrer dans un
rapport de concurrence entre eux À l'avantage de la clientèle qui saura
identifier les professionnels affichant les prix les plus compétitifs.
Exemple : pour un achat immobilier de 200 000 €, les 10 % (taux maximum)
s'appliquent à la tranche du prix située entre 150 000 € et 200 000 €.
Dans cette tranche, le tarif est de 0,814 %. Soit 50 000 € x
0,814 %= 407 € hors taxe. C'est sur ce montant que la remise peut être
consentie : en ce cas, elle s'élevera, au maximum, à 40,70 € HT, soit
48,84 € TTC (pour des exemples détaillés situant la remise dans
l'ensemble des frais, voir tableaux p. 44 et 45). C'est surtout dans le
domaine des transactions immobilières qu'une diminution des frais
notariaux associés était attendue. Pour Bernard Cadeau, président d'ORPI
« seule une baisse significative des droits de mutation générant
une économie substantielle, perçue comme telle, aurait été pertinente ».
Comme lui, les professionnels qui auraient préféré que la fiscalité
baisse plutôt que leurs honoraires, ne se rangent pas dans les fervents
soutiens à la loi Macron! Reste à espérer que les clients des offices y
trouveront un peu leur compte
10 %
Taux maximal de remise que le notaire peut appliquer sur le tarif de certains actes pour une partie du prix
Les droits de mutation ont été revus à la hausse
Le problème avec l'expression générique
fréquemment employée de « frais de notaire », c'est qu'elle est fausse!
Elle confond deux choses très différentes, la rémunération du notaire
proprement dite, et les droits de mutation à titre onéreux, impôt
revenant aux départements qui est collecté par le notaire mais qui ne
lui revient pas. « Le public est induit en erreur par cette confusion
s'il croit que les frais à payer lors d'un achat immobilier vont baisser
de 10 % », observe Bernard Cadeau, président du réseau immobilier ORPI.
Dans la réalité, les pendules doivent être remises à l'heure, deux
fois.
D'une part, si la rémunération du
notaire a été revue à la baisse, et de manière très sensible pour les
transactions d'un faible montant, la fiscalité, elle, a augmenté depuis
2015. « Si l'on compare le coût, pour le client, de l'acquisition d'un
bien de 200 000 € à Paris entre 2015 et 2016, on constate qu'il paiera
plus en 2016, cela en raison de l'augmentation de la taxe départementale
sur la mutation, passée de 3,8 % à 4,5 % de la valeur du bien le
1er janvier 2016 », rappelle Nathalie Couzigou-Suhas. Pour une vente de
200 000 €, en effet, cet impôt est passé de 7 600 € à 9 000 €, soit une
augmentation de 1 400 € (+ 18,42 %).
D'autre part, la « baisse de 10 % »,
appliquée à titre de remise facultative, ne peut porter que sur une
partie seulement du tarif des notaires, au-delà d'un certain montant
(voir : Des remises très encadrées p. 45).
-1,33 %
Baisse du tarif des notaires pour les ventes immobilières, soit 49 € d'économie pour un bien valant 400 000 €