dimanche 4 décembre 2016

UN JOUR A BERLIN EST...EN RDA...C' ETAIT EN NOVEMBRE 1985...IL Y A ...31 ANS ! TEMOIGNAGE !






Un jour à Berlin Est, en RDA…C’était en novembre 1985 !

              A Torsten, à Catérina, de l’autre côté du mur à Berlin Est  !
A l’époque ou je militais pour le rapprochement de la jeunesse française et allemande au sein de l’OFAJ (Office Franco – Allemand pour la Jeunesse)voulu en 1963 pat le Chancelier Adenauer et Le Général de Gaulle, une de mes missions a été d’aller vivre à Berlin Est, en RDA, en novembre 1985. Nous étions 15 français et 15 allemands de la RFA afin de nous immerger dans un monde que nous ne connaissions pas.
Je reconnais que depuis ce séjour en RDA, entre la gare de Wansee et l’auberge de Jeunesse de Potsdam, ma vie a eu une bien autre signification.
Le rassemblement avait eu lieu à Bad Honnef, dans la région de BONN en Allemagne Fédérale. Le train devait nous mener jusqu’à la gare de Wansee. A l’approche des premières lueurs de Berlin Est, le train rapide s’est arrêté sur la voie, nous obligeant à monter dans les wagons bien vétustes que tirait une locomotive à charbon. Le contraste était effarant.
De la gare de Wansee à l’auberge de jeunesse de Potsdam, je me souviens que nous étions dans des sortes de boxes. Nous ne pouvions qu’y dormir et nous laver sommairement.
Dans le cadre de cette expérimentation, nous disposions tous les jours d’une somme d’argent en mark de la RDA…20 francs de 1985 par jour.
Nous devions assurer notre transport de l’Ouest à l’Est et trouver des solutions pour le repas du midi et du soir.
Je me souviens de ce tramway de la Friedrich strasse qui dominait les quartiers de Berlin Ouest, mais aussi de Berlin Est à l’instant ou nous traversions ce « MUR » avec ses fosses, ses barbelés, ses miradors, ses projecteurs, ses soldats de l’impossible et la musique bien lugubre de l'aboiement des chiens !.
 A l’arrivée dans une gare carrelée avec des faïences blanches, nous devions montrer notre laisser passer et notre passeport. Puis nous arrivions dans un grand hall entouré de grilles, de barreaux, de militaires armés, de chiens. Là il fallait se diriger vers son couloir en fonction de sa nationalité. Le boyau était long, tortueux…Il fallait donc s’habituer à faire la queue, attendre, patienter, ne rien dire sous les regards des policiers qui se réfugiaient derrière casquettes et visières, souvent avec des lunettes fumées.
Après des minutes, qui pour nous semblaient interminables, nous arrivions devant une barrière en fer qui donnait accès à une petite pièce ou, de part et d’autre, il y avait des policiers comme dissimulés derrière des fentes...On ne voyait uniquement que leurs pupilles !. Il fallait faire passer ses papiers et le contrôle se faisait attendre. On entendait un coup de tampon et par une fente le passeport nous était retourné avec le précieux laisser passer qu’il ne fallait à aucun prix se dessaisir. Des dames en blanc contrôlaient nos affaires et l’argent de poche que nous échangions  pour la journée. Dans un nouveau grand hall il nous était interdit d’attendre, de ralentir pour être rejoint par les autres stagiaires français comme moi ou allemands de la RFA.
Dés qu’il y avait suffisamment de monde dans ce hall, une grande porte à double battant s’ouvrait et nous étions poussé à avancer. Stupeur, nous étions dans un amphithéâtre avec plein de gens assis qui attendaient ou qui se levaient reconnaissant un des leurs, passés à l’Ouest et de retour à l’Est.
Ici pas de cris, pas de mots, pas de gestes, il fallait enfin aller vers la sortie.
Je me rappelle qu’il neigeait en allant vers la porte de Brandebourg. Les recommandations étaient strictes et rappelées par « Torsten », un jeune étudiant de l’Est qui nous servait de guide.
Comment ne pas me souvenir de cet accueil dans une famille de la RDA qui avait souhaité m’accueillir et de partager une soirée avec cette famille prés de la porte de Brandebourg. Mots, regards, émotions, larmes sans explications, l’heure était au sauna. Nous y passions en silence  3 fois 8 minutes. Nous étions nus mais heureux de cette pudeur, puisque enfin égaux face à l’adversité, au destin,  et puis le meilleur restait à venir avec une promenade dans leur jardin avec des sabots en bois, un peignoir et une neige de prés de 1 mètre dans cet espace où il fallait se promener sous des – 15°…et de revenir nous ressourcer dans le sauna à prés de 70°..Que de piqûres ressenties de ce contraste chaud-froid, quelle  relaxation intense sur notre peau…quelle était bonne cette soupe de ces légumes tirés de la cave ! Merci Monica, merci Rudy, merci aux enfants dont les prénoms m’échappent !
« Attention de ne pas être plus de 5 personnes à la fois. Attention quand vous croisez la police, ne les regardez pas ! Attention aux passages piétons à respecter ! Ici pas de photos ! Gardez bien vos papiers prés de vous car on va les sortir souvent pour des contrôles partout ! Attention à 18 h il faut être dans le hall de gare pour repartir à l’Ouest ! »
En fait peu de voitures à part les Brabants. Peu de magasins que l’on devinait avec les interminables queues d’attente le long du trottoir, surtout à Alexander Platz. Nous devions trouver un restaurant pour le midi et la fin d’après midi. Un véritable parcours du combattant. Les menus contenaient plusieurs pages …mais tout était épuisé…on s’est gavé de kartoffen et bu de la Pils. « Attention il faut dépenser votre argent car on ne peut pas les ramener à l’Ouest ! » Et nous voilà à faire la queue pour dépenser cet argent. Sur la fin c’était un jeu cynique, sinon on le donnait à notre guide, Torsten  était ravi.
« Je suis étudiant en sociologie, l’Etat me fournit un logement avec mon amie pour une valeur de 50 marks...RDA, j’ai une bourse pour la nourriture et connais mon salaire quand j’aurai terminé mes études. Je sais aussi que mon emploi est assuré. Dans mon immeuble, comme dans toutes les maisons, il existe à l’entrée un registre d’entrée et sortie des résidents, chacun doit indiquer ses mouvements, qui il reçoit. Pas de frigo, pas de télévision, une seule et unique radio, des sorties au concert et au théâtre pour ne voir que du Bertold Brecht. Je dois faire obligatoirement  du sport. » le garçon était beau, puissant.
A chaque instant il nous comptait, nous surveillait à l’approche de Check Point Charlie, regardait l’environnement sans pouvoir nous commenter les monuments. Les contrôles se succédaient dans la rue, au restaurant, au Reichstag très austère. Une autre vie défilait devant nos yeux. Comme KO debout, il nous fallait accomplir cette expérience, partager nos silences, avec cette peur sinon cette hantise de ne pas revenir à l’Ouest.
Depuis notre auberge de Potsdam, nous sommes allés nous recueillir devant ce « mur de la honte » plein de message, plein de croix, de reposoirs. Je me souviens de ces stèles  entretenues par des fleurs qui ne fanaient jamais. Je me souviens de ces peintures qui criaient leur désespoir, leur espérance, leur souffrance…Je me souviens de ces regards échangés sur ces escabeaux de fortune avec des regards au loin dans des immeubles où les fenêtres étaient obstruées par de terribles agglomérés…
Je me souviens enfin du dernier regard de Torsten qui semblait heureux avec sa Catérina, l’amour de sa vie…
Je me souviens de notre étreinte,
Je ne me souviens pas de ses mots qui étaient bloqués dans sa gorge…
Il semblait heureux…
Mais il voulait savoir ce qui se passait de l’autre coté du mur !