Montant des pensions de retraite
PARTIR AVEC UNE DÉCOTE? ET POURQUOI PAS ?
Prendre
sa retraite sans attendre de bénéficier du taux plein, c'est renoncer à
une fraction plus ou moins importante de sa pension. Un tel choix est
irréversible mais, avant d'exclure d'emblée pareille hypothèse, il n'est
pas inutile d'y réfléchir. Calculs à l'appui.
Est-il absolument indispensable d'attendre de
pouvoir bénéficier du taux plein pour liquider sa retraite ? Pas
forcément, répond Jean-François Chauffeté, dirigeant fondateur du
cabinet d'expertise en retraite EOR. "
Partir avec une décote n'est pas si catastrophique que ça
" explique-t-il. Un avis partagé par Pascale Gauthier, associée du cabinet conseil Novelvy, qui va même plus loin ; "
ceux qui peuvent prétendre à une pension de retraite élevée, même minorée, peuvent avoir intérêt à partir avant
". Pour bénéficier d'une retraite au taux plein (sans
racheter éventuellement des trimestres au titre d'années d'étude), vous
n'avez que deux solutions : atteindre l'âge légal de départ, désormais
fixé à 62 ans pour ceux nés à partir de 1955, et justifier de la durée
d'assurance requise, variable selon l'année de naissance, ou bien
attendre d'avoir 67 ans. Aujourd'hui, rares sont ceux qui peuvent partir
dès 62 ans avec le taux plein. "
Or, en fin de carrière et avec des problèmes de santé, on peut avoir envie de lâcher du lest " constate Jean-François Chauffeté, "
d'autant que la perte financière n'est pas aussi rédhibitoire qu'on ne le croit
".
COMBIEN DE TRIMESTRES MANQUANTS ?
En demandant la liquidation de votre retraite
alors que vous ne justifiez pas de la durée d'assurance nécessaire pour
le taux plein, vous renoncez définitivement au montant maximum qui vous
aurait été versé avec une carrière complète.Pour le calcul de votre
pension, un coefficient de minoration est appliqué pour chacun des
trimestres manquants (voir tableau). On détermine leur nombre de deux
façons :- soit par rapport à celui nécessaire pour bénéficier de la
durée d'assurance ouvrant droit au taux plein ;- soit par rapport à
celui nécessaire pour atteindre l'âge du taux plein automatique (de 66
ans et 2 mois à 67 ans bientôt).
"
C'est la formule la plus favorable à l'assuré – celle qui le pénalise financièrement le moins – qui est appliquée
" explique Jean-François Chauffeté.
Exemple
Un assuré né en 1953 décide de prendre sa
retraite en 2015 alors qu'il ne totalise que 157 trimestres au lieu des
165 requis. Il lui manque :
- 8 trimestres pour atteindre les 165 requis ;
- 20 trimestres pour atteindre l'âge du taux plein automatique (66 ans et deux mois).
Ici, la décote est calculée sur la base des 8 trimestres manquants.
Précision de Pascale Gauthier ; "
la décote est plafonnée à 20 trimestres dans les régimes de base et complémentaires Agirc-Arrco
". Le coefficient de minoration est donc le même qu'il vous manque 20, 25 ou 30 trimestres.
CALCUL DU TAUX DE MINORATION
Une fois le nombre de trimestres manquants
déterminé, une décote est appliquée au taux de liquidation de la
retraite de base qui est de 50%. En toute logique, plus le nombre de
trimestres manquants est important et plus la décote est élevée.
Pour calculer cette décote, deux méthodes
peuvent être utilisées mais elles aboutissement strictement le même
résultat. Le coefficient de minoration, qui varie selon l'année de
naissance de l'assuré, peut être exprimé en pourcentage ou en points :-
assuré né en 1951 : 1,5 % (ou 0,75 point) par trimestre ;
- assuré né en 1952 : 1,375 % (ou 0,6875 point) par trimestre ;
- assuré né en 1953 et après : 1,25 % (ou 0,625 point) par trimestre.
Exemple
Pour notre assuré né en 1953, la minoration est égale à 1,25 % ou à 0,625 point par trimestre manquant, soit :
- 8 trimestres × 1,25 % = 10 %, soit 50 % – (10 % × 50 %) = 50 % – 5 % = 45 %
- 8 trimestres × 0,625 % = 5 %, soit 50 % – 5 % = 45 %
PENSION DE BASE CALCULÉE EN DEUX TEMPS
Une fois le taux de pension calculé, il faut
ensuite calculer le montant de la pension en procédant en deux étapes
successives.Dans un premier temps, on détermine le montant théorique de
la pension acquise.
Exemple
Notre assuré aux 8 trimestres manquants décide
de liquider sa retraite cette année. Son salaire annuel moyen s'élève à
25 000 €. Avec la décote de 5 %, sa pension sera de :
25 000 € × 45 % = 11 250 € par an.
Dans un second temps, cette pension théorique
est minorée en référence à la durée d'assurance requise selon l'année de
naissance.
Exemple
Pour notre assuré, né en 1953, la durée
d'assurance est fixée à 165 trimestres. Comme il ne justifie que de 157
trimestres, sa pension annuelle s'élève à :
11 250 € × (157/165 trimestres) = 10 704 €
En partant avec le taux plein, il aurait bénéficié d'une pension s'élevant à :
25 000 € × 50 % = 12 500 € x (165/165 trimestres) = 12 500 € par an.
ET LA RETRAITE COMPLÉMENTAIRE
En ce qui concerne votre retraite Agirc-Arrco, les règles diffèrent sur certains points. "
Pour la retraite complémentaire, la décote maximale est de
22 %, à raison de 1 % pour les douze premiers trimestres manquants et
de 1,25 % pour les huit suivants
" explique Pascale Gauthier.Ainsi, si vous choisissez
de partir en retraite à partir de l'âge légal, c'est-à-dire à partir de
61 ou 62 ans selon votre date de naissance, mais sans totaliser tous
les trimestres nécessaires (165 requis actuellement), vous pouvez
liquider vos complémentaires avec une décote à condition qu'il vous
manque moins de 20 trimestres par rapport à la durée d'assurance fixée
dans le régime général.
Comme pour la retraite de base, la minoration
est calculée en fonction de votre âge ou du nombre de trimestres
manquants, la solution qui vous est la plus favorable étant retenue.
Avec une particularité : l'Agirc et l'Arrco ont chacune leur propre
coefficient de minoration.
PERTE FINANCIÈRE À LONG TERME
D'un strict point de vue financier, la
pertinence d'un départ à la retraite avant le taux plein dépend d'un
paramètre aussi important qu'incertain : votre espérance de vie.
Paradoxalement, perdre de l'argent en partant tôt constitue une
excellente nouvelle car cela signifie que l'assuré a profité plus tôt de
sa retraite, certes minorée, pendant de nombreuses années... " Gagner moins pour profiter plus de la vie et du moment présent " résume Jean-François Chauffeté.
Exemple
Un assuré décide de partir à 62 ans au lieu de
67 ans, soit 5 ans avant le taux plein. Sa retraite s'élève à 10 000 €
avant une décote de 22 %, soit 2 200 € en moins, ce qui réduit sa
pension annuelle à 7800 €
• pension perçue pendant 5 ans : (10 000 € – 2 200 €) × 5 = 39 000 €
• manque à gagner : 39 000 € / 2 200 € = 17,7 années
Cet assuré va commercer à perdre de l'argent à plus de 79 ans (62 ans + 17,7 ans).
Il s'agit certes d'un ordre de grandeur
puisqu'en continuant de travailler, cet assuré aurait amélioré ses
droits mais,quoi qu'il en soit, la perte financière est tardive. "
Par ailleurs, la probable faiblesse des revalorisations de
pension dans les années à venir constitue un argument supplémentaire
pour ceux qui veulent arrêter plus tôt
" conclut Pascale Gauthier.
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FEMMES PENALISEES
En interrompant leur carrière
professionnelle plusieurs mois voire quelques années pour élever leurs
enfants, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à ne pas
justifier de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite
au taux plein. Seules deux femmes sur cinq valident une carrière
complète contre trois hommes sur quatre. L'impact de la décote est donc
plus fort pour elles avec une pension moyenne de 1 204 € contre 1 677 €
pour les hommes.