UNE SOIREE A LA VEILLÉE EN ALPAGES DU CÔTE DE..PAR LA TRAVERS !
« Maman doit penser que nous faisons des gôgnes et qu’il n’est nul besoin de nous potringuer. Toujours malengroin,notre mère pousse une bouerlée. Comme je tioule encore, je manque de recevoir un éveillon. Je r’bêque, alors papa me menace avec une ouiste en jurant – non de bleu, nom de zou…
L’Emma se gangale sur sa chaise en me niargant, me traitant de nioke, tièvre motte, potue, matole, toupine, chachô…J’ai envie de la grafigner, mais comme mamn revient je m’encoin-e et ne dis ni mot ni miette.
Notre mère puise une pochée de lait dans le seillon et le verse dans le pochon qu’elle pose dans le trou du potager, nous donne un crochon de pain et un bout de beurre pris dans la matol.e.
Sur le trablard au dessus du lèvier, je saisis les bols qui sont d’abochon. Les cuillers on dans le tiroir d la clédence. Je m’encouble et r’bate une tasse qui se démanoileTout s’écliaffe par terre. Je dois y passer : prendre la r’masse et la panosse,le bol plein, déguillé par ma faute a coffèyé le plancher du poile. Comme je suis malotrue, ma mère m’engorzelle un lait de poule qui me donne envie de dégobiller.
Puis je défais les cattes dans mes cheveux qui sont tout r’biclés. J’aboutonne ma pèlerine et nettoie nos sabots avec de la crache en une pate.
Ca margagne, ça pleuviote, il fait cru, ça sent la neige, l bise noire souffle, un bisolet bien froid qui ne chasse pas les gnioles, l’eau de la coulose se mélange avec la diure dans la rigole. Bah ! Si ça roille, nous nous mettrons à la chûte. La carre arrive en nous serons cahouèes comme des rats.
Texte tiré de : LE PARLER SAVOYARD – Andrée Blanc -