MILLE LETTRES POUR UN AMOUR !
A l'heure d'entendre sonner les sifflets de l'entrée du premier train en gare de Bourg saint Maurice en ce 13 octobre 1913, Jean-Louis est venu nous raconter, en exclusivité pour notre blog, cette bien belle histoire qui s'est déroulée à l'automne des années 1967 pour se terminer fin 1968, comme cette bien belle évocation " le train sifflera trois fois !"
Le départ du train à vapeur de 21 h 27 en gare de Bourg saint Maurice, taraudait la fébrilité de Jean-Louis. Le souffle de cette machine infernale, imperturbable face aux rails, crachait l'énergie sous ses roues métalliques. " Elle était comme ces chevaux " à vapeur" qui grattaient de leurs pattes le sol, comme pour aller défier les tunnels d'Hauteville-Gondon, du bas de Landry et de la descente en colimaçon dans cette spirale infernale avant la descente sur Moutiers !"
Le train à vapeur pouvait s'élancer dans les gorges de l’Isère
Jean-Louis en fait, à l'heure du départ du train, se rendait au wagon postal situé en tête du train, soit pratiquement situé aujourd'hui sous la passerelle du funiculaire et de poster sa lettre à sa bien aimée qui exerçait le plus merveilleux métier du monde : Enseigner. Marguerite était " Maitresse d'école" dans un petit village charmant, en banlieue de Clermont Ferrand!" Dans ces aller-retour, le train à vapeur était chaud brûlant, Marguerite et Jean-Louis le savaient !
Parfois j'avais le capot qui fumait !
Ainsi plus de 16 mois durant entre 1967 et 1968 soit 500 jours, une lettre sera acheminée, chaque jour, sur le trajet Bourg Saint Maurice-Clermont/Ferrand et Clermont/Ferrand - Bourg saint Maurice. Jean Louis va écrire tous jours , poster tous les soirs à la boîte aux lettres du train postal à vapeur n°341R , une lettre à sa "Marguerite" dans le Puy de Dôme, qui en fera autant, et de se déclarer leurs amours. " ma lettre était oblitérée dans le wagon postal par le vaguemestre ! un homme droit comme les P.T.T. n'hésitait pas à me pister au bout du quai pour happer cette lettre pleine de mots !"
" Souvent j'arrivais à la limite, j'entendais le bruit du marteau au long manche du cheminot, taper sur les roues pour s'assurer qu'il n'y avait pas fêlure !" le train à vapeur crachait des nuages de cette brume âcre, les escarbilles annonçaient un départ fulgurant, des morceaux de charbon dansaient dans cette gare mythique, l'impatience du tender alimentait le foyer de la locomotive, le charbon de houille allait donner de la puissance à ce train qui transportait les amours de Jean-Louis." au diable les 1° et 2éme classe ma lettre était en tête du train!" Le Bourg-Saint-Maurice, Moutiers, Lyon, Clermont Ferrand Paris, pouvait s'élancer et défir les gorges de l'Isère.
Les lettres de Marguerite ? Une émotion de tous les matins dans la boîte aux lettres de Jean-Louis !
A l'heure de l'arrivée de cette " micheline 341R" Jean Louis savait ! Il savait que le "3" correspondait aux trois roues situées à l'avant, le" 4" aux 4 roues au cœur du train et que le "1" était cette roue unique mais capitale pour la stabilité du train. Jean-Louis s'assurait que le train empruntait la rotonde, installée au bout du bout de la gare de Bourg saint Maurice. C'était une plate forme ronde, malheureusement détruite, qui se situait sur les quais de la gare. Elle permettait au train de tourner à 180° et ainsi remettre le train dans la bonne direction avant de raccrocher tous les wagons..dont le wagon postal contenant les amours fumant de Jean Louis et Marguerite !
Mais qui sont ils ?
Comme un conte de fées, ils se marièrent, eurent de beaux enfants, de superbes petits enfants, vous les rencontrerez chaque jour, mais que c'est bon d'aller et venir dans un parfait anonymat !
Merci à vous Jean-Louis, merci à vous Marguerite de nous avoir raconté cette belle histoire de ces trains qui arrivaient à l'heure pour le courrier des feux des amours éternels ! Une véritable bataille du rail !
Pierre VILLENEUVE