dimanche 24 janvier 2016

Alice RULLIER née JUGLARD - UN PARCOURS DE FEMME HORS DU COMMUN



Alice RULLIER 
 née JUGLARD.- 
Des Arpettes aux Marais –
Alice passe une bien paisible retraite auprès de ses enfants au plus prés de la chapelle dédiée à saint Georges au Chatelard. Aujourd’hui, âgée de 94 ans, elle a toute sa tête avec ce péché mignon encore charmeur : : cette envie de parler ! Elle a bien voulu lever le voile sur son parcours de vie « le 6 mars prochain, je franchirai mes 95 ans ! »
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Ses premiers pas, elle les fera aux Arpettes, dans la ferme de ses parents. Très tôt il a fallu prendre le chemin de l’étable, de la traite. Nettoyer l’écurie, lever le fumier, préparer les litières, aller au bachal au haut du village les mains dans l’eau glacée et frotter le linge contre la planche en bois avec le battoir, les engelures en plus ! Nous avions quelques poulets et lapins, un grand jardin. Parfois des chèvres, 4 à 5 tarines…une vie où il fallait trimer dans les champs entre les Echines Dessus et Dessous.
au fond la FRUITIÈRE de BOURG SAINT MAURICE

Le bachal du chatelard et sa planche !
«  Pourtant j’aimais bien aller à l’école, mais mes parents privilégiaient d’abord les travaux des champs, soigner les bêtes, participer aux tâches  coutumières…c’était partout pareil ! Avec Émile, des Marais, nous sommes mariés. Ainsi la vie se passait au Chatelard avec plus haut la Grange. Au printemps c’était la fête, nous montions avec les enfants à la montagnette «  Tigny ». L’emmontagnée se faisait avec la charrette, l’essentiel pour faire la cuisine, le mulet en tête, les sacs de nos affaires, le cochon. Les chiens suivaient cette caravane bien joyeuse tout en aboyant. Là haut nous fabriquions de la tomme, du beurre, du pain. La soupe était de tous les repas.
Pour ce qui était du lait nous le descendions à la fruitière à Bourg Saint Maurice. Pour le transporter c’était à tour de rôle. Mais celui qui avait davantage de tarines, descendait plus souvent après avoir pratiquer, prés des bidons le pèse-lait. Avec les beaux jours du printemps nous profitions de faire les lessives. On faisait bouillir la lessiveuse avec de la cendre tamisée. Après le rinçage nous le suspendions sous la galerie à la grange sinon nous étendrions les draps dans les champs, le vent et le soleil donnaient du parfum aux fibres.
                                              MAI 1940 et l’Exode
Le maquis s’était organisé du côté du Mont de Séez, les italiens occupaient le haut de Séez, le pont franchissant le ruisseau du reclus était occupé, l’armée allemande créait le trouble, les ponts était détruits. «  Nous avions un correspondant par village, comme au Chatelard.. Un matin, il a fallu, en peu  de temps, préparer ses affaires, un baluchon, quelques papiers. Les tarines ont été détachées, un berger a constitué un troupeau de toutes les bêtes afin de  les conduire à Valezan.
Une fuite effrénée, la gare de Landry, entassées dans les wagons nous avons été déchargés sur la place du village de Féline, dans le Rhône. Les paysans, les fermiers nous ont tiré au sort pour nous conduire dans diverses exploitations agricoles.
  Nous sommes revenus sur nos terres un mois plus tard. La maison était grande ouverte, pillée, nos tiroirs, nos armoires, notre vaisselle, surtout nos outils avaient disparu. Impossible de tirer des larmes, inutile de se lamenter, nous nous sommes relevés de cette blessure ! «  en 1941 avec Émile nous nous sommes mariés ! »
       FAIRE LA TRACE DANS LA NEIGE AVEC DES JUPES
L’hiver suivant a été rude. Nos galoches étaient remplies de paille et de glace. Nous devions, les femmes, faire la trace,  marcher dans la neige avec nos robes, les pantalons pour femme n’existaient pas ! Quand on descendait à Bourg Saint Maurice des arpettes en çà, de la mineurville sinon de granville, les femmes s’arrêtaient avant le cimetière actuel. Contre le mur nous vidions l’eau de nos chaussures, nous essorions nos jupes et de tordre nos effets afin d’éponger l’eau et la neige, les chaussettes tricotées en grosse laine étaient ainsi remises en l’état.
                                  US et COUTUMES
Dans le village du Châtelard existait celui qui disait la météo en fonction de la lecture du ciel, de la couleur des nuages, de la découpe des montagnes à l’horizon, de la pelure d’oignons, des vents des odeurs et de la consistance de la neige, parfois d’un rhumatisme tenace !
L'école des ARPETTES avec Alice
Il y avait cette période de la Saint Antoine le 17 janvier et la fête aux Echines. Le propriétaire du cheval allait chercher le prêtre qui venait bénir les mulets.
Il y avait également la cérémonie de l’enterrement des morts du village. En fonction du lieu du défunt et de l’acheminement du cercueil à Bourg saint Maurice, au fur et à mesure du passage dans les villages et hameaux traversés, le glas était sonné à la volée du Replat, à Saint Michel et enfin au Villaret..On disait que les cloches priaient !
         Alice ? UNE VÉRITABLE BIBLIOTHÈQUE VIVANTE
Merci Alice de nous avoir accordé cet entretien. Il fallait refermer le grand livre de sa mémoire et accorder un moment de repos, de répit, de repli à cette femme extraordinaire. Dans son regard nous avons bien compris qu’il y avait d’autres épisodes à écrire. Nous avons choisi de lui laisser reprendre son souffle ! à bientôt Alice !
Pierre VILLENEUVE





La ferme des Marais


La maison familiale d'Alice au Chatelard