Pierre Nuss revient sur la tradition des
crécelles, encore bien ancrée dans certaines communes alsaciennes. Et
sur tous les noms étonnants qui permettent de les désigner.
Avant l’apparition des montres, les cloches des églises ont donné le
tempo de la vie à la campagne. Mais comment faire, à Pâques ? Après le
Gloria de la messe du Jeudi saint, les cloches ainsi que les sonnettes
entrent dans la “schtelli Zitt”, le temps du silence, qui est celui de
la Passion, de la mort et de la mise au tombeau du Christ.Les cloches se
taisent. C’est comme si le temps n’existe plus. Pour rythmer la
journée, la tradition veut que les jeunes garçons se promènent en deux
lignes avec de bruyantes crécelles, c’est souvent à 6h du matin, à midi
et à 18h. Et croyez-moi, ça réveille ! Il existe deux types de
crécelles: celles qui fonctionnent avec un petit marteau central qui
heurte la planchette de part et d'autre de l'axe central: elles sont
nommées selon les endroits: Klipp-klàpp, Klapper, Spalacka, Spackhàmmer,
Klepperi... Les autres sont constituées par une roue dentée en bois sur
laquelle viennent rebondir et résonner une ou plusieurs lamelles en
bois, qui vont créer du bruit, amplifié par une caisse de résonnance :
les Ratscha, Pochla, Bockla, Ràschpla, Rara, Schwarra, Bebelàda, Bäläpp,
Ràtza, Ràppel, Schwarra, Ràfla, Garra, Riompla, Rimbel, Vaschperschall,
Rasselkischta. Vous voyez, crécelle, un mot en français, au moins 22 en
alsacien. Si ça, c’est pas de la richesse ? Et en plus, même les noms
donnent l’impression de faire du bruit. Dans le Pays Welche, les
crécelles sont des tarlakats, et dans la vallée de la Bruche des
térettes. La tradition des crécelles est encore particulièrement vivante
dans un certain nombre de communes en Alsace, mais c’est certainement à
Kientzheim, près de Kaysersberg, où vous en retrouverez le plus. Ces
bruits caractéristiques résonneront jusqu’à la messe de dimanche. Allez
hop, je vous en remets un peu pour la route...