née JUGLARD.-
Des Arpettes aux Marais –
Alice passe
une bien paisible retraite auprès de ses enfants au plus prés de la chapelle
dédiée à saint Georges au Chatelard. Aujourd’hui, âgée de 94 ans, elle a toute
sa tête avec ce péché mignon encore charmeur : : cette envie de
parler ! Elle a bien voulu lever le voile sur son parcours de vie
« le 6 mars prochain, je franchirai mes 95 ans ! »
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Ses
premiers pas, elle les fera aux Arpettes, dans la ferme de ses parents. Très
tôt il a fallu prendre le chemin de l’étable, de la traite. Nettoyer l’écurie,
lever le fumier, préparer les litières, aller au bachal au haut du village les
mains dans l’eau glacée et frotter le linge contre la planche en bois avec le
battoir, les engelures en plus ! Nous avions quelques poulets et lapins,
un grand jardin. Parfois des chèvres, 4 à 5 tarines…une vie où il fallait
trimer dans les champs entre les Echines Dessus et Dessous.
au fond la FRUITIÈRE de BOURG SAINT MAURICE |
Le bachal du chatelard et sa planche ! |
«
Pourtant j’aimais bien aller à l’école, mais mes parents privilégiaient d’abord
les travaux des champs, soigner les bêtes, participer aux tâches coutumières…c’était partout pareil !
Avec Émile, des Marais, nous sommes mariés. Ainsi la vie se passait au
Chatelard avec plus haut la Grange. Au
printemps c’était la fête, nous montions avec les enfants à la montagnette
« Tigny ». L’emmontagnée se faisait avec la charrette, l’essentiel
pour faire la cuisine, le mulet en tête, les sacs de nos affaires, le cochon.
Les chiens suivaient cette caravane bien joyeuse tout en aboyant. Là haut nous
fabriquions de la tomme, du beurre, du pain. La soupe était de tous les repas.
Pour ce qui
était du lait nous le descendions à la fruitière à Bourg Saint Maurice. Pour le
transporter c’était à tour de rôle. Mais celui qui avait davantage de tarines,
descendait plus souvent après avoir pratiquer, prés des bidons le pèse-lait.
Avec les beaux jours du printemps nous profitions de faire les lessives. On
faisait bouillir la lessiveuse avec de la cendre tamisée. Après le rinçage nous
le suspendions sous la galerie à la grange sinon nous étendrions les draps dans
les champs, le vent et le soleil donnaient du parfum aux fibres.
MAI 1940 et l’Exode
Le maquis
s’était organisé du côté du Mont de Séez, les italiens occupaient le haut de
Séez, le pont franchissant le ruisseau du reclus était occupé, l’armée
allemande créait le trouble, les ponts était détruits. « Nous avions un
correspondant par village, comme au Chatelard.. Un matin, il a fallu, en
peu de temps, préparer ses affaires, un
baluchon, quelques papiers. Les tarines ont été détachées, un berger a
constitué un troupeau de toutes les bêtes afin de les conduire à Valezan.
Une fuite
effrénée, la gare de Landry, entassées dans les wagons nous avons été déchargés
sur la place du village de Féline, dans le Rhône. Les paysans, les fermiers
nous ont tiré au sort pour nous conduire dans diverses exploitations agricoles.
Nous sommes revenus sur nos terres un mois plus
tard. La maison était grande ouverte, pillée, nos tiroirs, nos armoires, notre
vaisselle, surtout nos outils avaient disparu. Impossible de tirer des larmes,
inutile de se lamenter, nous nous sommes relevés de cette blessure ! «
en 1941 avec Émile nous nous sommes mariés ! »
FAIRE LA
TRACE DANS LA
NEIGE AVEC DES JUPES
L’hiver
suivant a été rude. Nos galoches étaient remplies de paille et de glace. Nous
devions, les femmes, faire la trace,
marcher dans la neige avec nos robes, les pantalons pour femme
n’existaient pas ! Quand on descendait à Bourg Saint Maurice des arpettes
en çà, de la mineurville sinon de granville, les femmes s’arrêtaient avant le
cimetière actuel. Contre le mur nous vidions l’eau de nos chaussures, nous
essorions nos jupes et de tordre nos effets afin d’éponger l’eau et la neige,
les chaussettes tricotées en grosse laine étaient ainsi remises en l’état.
US et
COUTUMES
Dans le
village du Châtelard existait celui qui disait la météo en fonction de la
lecture du ciel, de la couleur des nuages, de la découpe des montagnes à
l’horizon, de la pelure d’oignons, des vents des odeurs et de la consistance de
la neige, parfois d’un rhumatisme tenace !
L'école des ARPETTES avec Alice |
Il y avait
cette période de la Saint Antoine
le 17 janvier et la fête aux Echines. Le propriétaire du cheval allait chercher
le prêtre qui venait bénir les mulets.
Il y avait
également la cérémonie de l’enterrement des morts du village. En fonction du
lieu du défunt et de l’acheminement du cercueil à Bourg saint Maurice, au fur
et à mesure du passage dans les villages et hameaux traversés, le glas était
sonné à la volée du Replat, à Saint Michel et enfin au Villaret..On disait que
les cloches priaient !
Alice ? UNE VÉRITABLE BIBLIOTHÈQUE VIVANTE
Merci Alice
de nous avoir accordé cet entretien. Il fallait refermer le grand livre de sa
mémoire et accorder un moment de repos, de répit, de repli à cette femme
extraordinaire. Dans son regard nous avons bien compris qu’il y avait d’autres
épisodes à écrire. Nous avons choisi de lui laisser reprendre son
souffle ! à bientôt Alice !
Pierre
VILLENEUVE
La ferme des Marais |
La maison familiale d'Alice au Chatelard |