Une voie lactée.
5 ans…1826 jours, un mur de glace, un cliquetis, un souffle…le 9 février 2011, Christian Ansermin venait d’accomplir cette ascension…destination...le grand bleu !
Christian s’est donc absenté, il est passé de l’autre côté du chemin, il a choisi de traverser la voie, il s’est dirigé sur cette voie céleste qui l’a menée tout droit vers cette inaccessible étoile tirée de la voix de Jacques Brel, sur cette partition tracée à l’encre de sa plume. Bien sûr que chacun est triste, évidemment que le chagrin est insondable, assurément que nos yeux cherchent à chaque matin ces larmes de douleur.
La montagne en avait donc décidé autrement. Elle l'a pris dans ses bras forts de ses rochers, ce sacré bonhomme. Christian devenait une icône. Pourquoi ? Il a suffit d’un geste, il a suffit que ses étreintes soient une émotion à l’heure de la dernière prise, il a suffit que cet inconditionnel se lance un nouveau défi afin de rejoindre ce couloir, ce passage, cet interstice et de se faufiler dans un monde que lui seul pouvait atteindre.
A chaque jour de ces 1826 jours les bougies viennent ainsi éclairer ce chemin, cette voie. Ces langues de feu tournées vers les sommets éclairent le visage de Christian, comme en ce 9 février 2016.
En effet à chaque anniversaire de sa disparition « même si partir n’est pas mourir ! » une cordée prend la route des Veys à partir de Bonneval les Bains afin de partir sur les traces de cette paroi. Pèlerinage ? Besoin de communier avec ses pensées ? Entendre la neige et la glace nous parler de Christian ?
Ainsi Yves, Mado, Joël, Marie-Noëlle, Manu ,Romain, Aimé, Magali, Cyril, Amandine, Benjamin, Charles, Jérémie, Benjamin, Jean-Paul, Dominique, Françoise, Eric, Manon et Corentin, Mais aussi la famille réunie autour de Colette, Jean-Pierre mais aussi Manu et Jérémie, ont uni leur force, leur courage afin de rejoindre « mon enfant chéri ! »
Sur le chemin chacun avait ses souvenirs sur les lèvres, dans sa tête. Les gouttes de la pluie incessante n’avaient aucune prise sur les yeux mouillés, sur des cils abimés, sur des joues ruisselantes. Christian avait tracé le chemin, on voyait au détour du parcours ces signes comme un cairn, comme ces cailloux bleus tel le Petit Poucet. La marche a été longue, salvatrice, puisque chacun a voulu atteindre ce bout du chemin, ce bout de la vie.
Manon |
« Maman – Papa : notre enfant chéri, courage, complicité d’une famille, les pleurs avec nos trois enfants Christian, Manu et Jérémie. »
Le mot de la fin sera pour Manon, haut de ses 8 ans en médaillon :
« Gentil - il est mon étoile, il me guide ! »
Pourtant que la montagne est belle … !
Au prochain printemps, le chalet d’alpage au droit des Veys retrouvera ses parfums et ses mille fleurs. Les ruchers bleus coloriseront le paysage, les abeilles pourront assouvir cette peine, une nouvelle longue conversation s’installera là bas, là où, désormais, habite Christian !
Pierre VILLENEUVE