lundi 30 novembre 2015

PAS DE PENSION AU TAUX PLEIN AVANT 63 ANS !

La réforme des retraites complémentaires
Pas de pension au taux plein avant 63 ans
L'âge légal pour prendre sa retraite complémentaire reste officiellement fixé à 62 ans mais, en réalité, la réforme adoptée le 30 octobre dernier en reporte le bénéfice d'une année supplémentaire. Explications.
Il aura fallu pas moins de sept réunions entre le 17 février 2015 et le 30 octobre dernier pour que les partenaires sociaux signent un accord qui réforme les régimes de retraite complémentaires Agirc et Arrco (le "2e étage" des retraites pour les salariés et cadres) et qui doit les sauver, au moins provisoirement, d'une faillite annoncée.
Nouveau recul pour les uns car il repousse de facto l'âge de départ, courageux et inespéré pour les autres car il sauve le paritarisme, l'accord du 30 octobre va changer la donne pour les futurs retraités et aussi pour ceux déjà en retraite.
Un an de plus pour le taux plein...
À partir du 1er janvier 2019, l'âge de la retraite complémentaire ne passera pas à 63 ans mais, en pratique, ce sera tout comme... Sans toucher à l'âge légal (62 ans) ni à la durée d'assurance requise (165 trimestres aujourd'hui) qui ouvre droit à la retraite à taux plein, l'accord en décale l'entrée en jouissance d'une année pleine. Autrement dit, il faudra attendre un an de plus pour bénéficier en totalité de sa retraite complémentaire à taux plein acquise douze mois auparavant...
Concrètement, l'assuré âgé de 62 ans et justifiant des 166 trimestres requis devra attendre ses 63 ans s'il veut partir avec une retraite complète. Le salarié âgé de 64 ans, lui, devra patienter jusqu'à 65 ans, etc. " Par ricochet, ce report d'un an aura un effet bénéfique sur la retraite de base puisqu'il implique quatre trimestres supplémentaires (par rapport à ceux requis pour avoir le taux plein, NDLR) qui ouvriront droit à une surcote ", explique Pascale Gauthier, associée au cabinet conseil Novelvy.
... Ou un malus pendant trois ans (ou moins) mais pas après 67 ans
Celui qui décidera néanmoins de liquider ses pensions à partir de l'âge légal (avec le nombre de trimestres requis) supportera un " coefficient de solidarité " – autrement dit un malus – de 10 % déduits sur sa pension pendant trois ans. L'accord prévoit toutefois que la troisième année de malus ne s'appliquera pas si les finances des régimes le permettent.
" Ceux qui veulent vraiment partir dès l'obtention du taux plein ne vont pas attendre. Ils percevront immédiatement 90 % de leur pension et récupéreront l'intégralité de leur retraite complémentaire après deux ou trois ans ", estime Pascale Gauthier. Mais pour Emmanuel Grimaud, fondateur et président du cabinet Maximis Retraite : " la plupart des assurés se focalisent uniquement sur le taux plein. Ceux-là vont probablement décider de retarder leur départ sans calculer l'impact réel d'une telle décision sur le montant de leur pension ". Chez Maximis Retraite, on a fait le calcul : " ce malus de 10 % va porter uniquement sur la retraite complémentaire et donc, en fin de compte, ne réduire la pension totale versée que de 5 à 7 % ".
D'autant que l'application de ce malus sera limitée. D'une part, il ne jouera plus à partir de 67 ans – le salarié qui partira à 66 ans (avec une durée d'assurance complète) supportera la baisse de 10 % seulement pendant une année et non pas durant 3 ans – et, d'autre part, les petites retraites – celles qui sont exonérées de CSG – ne seront pas concernées par ce dispositif. Un peu plus de 30 % des retraités échapperont ainsi à un possible malus.
Bonus pour les fanas du boulot
Inversement, les salariés qui décideront de partir après cette année supplémentaire bénéficieront d'un " bonus " de leur pension dont le taux augmentera selon le nombre de trimestres travaillés en plus : 10 % pour 8 trimestres supplémentaires, 20 % pour 12 trimestres, 30 % pour 16 trimestres. Attention, ce bonus ne sera accordé que pendant une seule année. " Contrairement à la surcote obtenue simultanément sur la retraite de base qui, elle, est définitive ", rappelle Pascale Gauthier.
Gel des pensions dès 2016
En attendant 2019, d'autres mesures ont été décidées par l'accord qui, elles, s'appliquent dès l'année prochaine et concernent les retraités actuels.
Tout d'abord, la revalorisation annuelle des pensions interviendra désormais le 1er novembre et non plus le 1er avril. Ce décalage devrait générer une économie de 300 millions en 2017 et de 1,5 milliard d'euros en 2018.
Par ailleurs, entre 2016 et 2018, cette revalorisation annuelle sera minorée d'un point par rapport à l'inflation, comme cela a déjà été le cas en 2014 et 2015. Une " clause plancher " est toutefois prévue pour éviter une baisse des pensions en cas d'inflation trop faible. Cette mesure devrait permettre aux caisses de retraite d'économiser 1,3 milliard d'euros en 2017.
Enfin, jusqu'en 2018, le coût d'achat du point va être relevé. Mécaniquement, à cotisations sociales égales, cette mesure va aboutir à baisser le montant des futures pensions (voir encadré).
D'après les signataires de l'accord, grâce à toutes ces mesures, les régimes Agirc-Arrco sont sauvés avec un retour à l'équilibre des finances à l'horizon 2024-2025. Ce dont doute Emmanuel Grimaud : " si les assurés se rendent compte du peu d'intérêt qu'ils ont, pour la plupart, à reporter leur départ, les caisses complémentaires ne seront pas aussi bien renflouées qu'annoncé ".
En attendant de vérifier les résultats financiers de la réforme, les partenaires sociaux vont s'attaquer à un autre grand chantier de la retraite complémentaire : la fusion des deux caisses Agirc-Arrco au 1er janvier 2019.
Un système en points
Les retraites complémentaires Agirc-Arrco fonctionnent en points et non pas en pourcentage du salaire moyen.
En cotisant, les salariés (pour l'Arrco) et les cadres (pour l'Arrco et l'Agirc) achètent des points de pension à un prix appelé "salaire de référence". Au moment de la liquidation des pensions complémentaires, ces points sont convertis en un montant appelé " valeur de service ". À salaire égal, le relèvement du prix d'achat minore automatiquement le nombre de points acquis et donc le montant de la future pension.
L'urgence des déficits
En 2014, l'Arrco a accusé un déficit de 1,24 milliard d'€ (contre 405 millions en 2013) tandis que le trou de l'Agirc atteignait 1,98 milliard d'€ (contre 1,24 milliard en 2013).
Sans l'accord du 30 octobre, l'Agirc aurait épuisé ses réserves dès 2018, celles de l'Arrco auraient disparu vers 2027.